Depuis plus de trois mille ans,
le sans Nom, Hachem en hébreu, s’adresse à son peuple dans le désert du Sinaï en lui disant : « Écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est Un » (Dt 6, 4). Et ces paroles s’adressent à nous tous vivants de tous les temps car il nous est dit aussi dans le même texte : « Ce n’est pas avec nos Pères que le Seigneur a conclu cette alliance, mais avec nous, nous-mêmes qui sommes ici, tous vivants (Dt 5. 3).
La Bible est un Livre étonnant,
fixé par écrit il y a plus de 25 siècles et transcrivant une mémoire orale d’au moins trois mille ans plongeant ainsi ses racines aux temps extrêmement reculés des mythes fondateurs de notre humanité.
Cette affirmation du UN,
créateur de l’univers, par un tout petit peuple Israël, sans aucune importance politique ou temporelle face aux religions polythéistes d’immenses empires comme l’Égypte ou l’Assyrie ou Rome, tous disparus, est une étrangeté singulière.
Mais qu’en est-il pour nous aujourd’hui de cette permanence du UN dans nos vies ? Il prend sens de plusieurs façons dans la spiritualité chrétienne héritière du UN hébraïque.
Nous sommes des personnes uniques
Un verset de l’Évangile de Jean (17,21)
nous le rappelle explicitement : « Soyez un comme mon Père et moi nous sommes un ». L’invitation à l’unité est à la fois individuelle et collective. Comment apprendre concrètement à rassembler le puzzle ou la mosaïque des visages et des comportements contradictoires qui peuvent être les nôtres ? Comme le note notre contemporain, le moine bénédictin allemand Anselm Grun, cela passe nécessairement par l’accès à notre espace intérieur qui seul peut nous donner la réponse en nous sortant de la spirale de la victimisation en affirmant : “J’ai un problème mais je ne suis pas le problème ».
La réponse est éminemment personnelle
et suppose un travail au quotidien. L’héritage de la spiritualité chrétienne occidentale est très vaste sur ce point. Elle nous centre ou plutôt nous recentre sur le témoignage de la présence du Christ en nous.
…Avec un espace intérieur
Depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours,
les spirituels chrétiens occidentaux sont tous partis dans cette quête intérieure. On les trouve en Espagne avec Jean de la Croix (1542-1591), dans l’espace rhénan au cœur de l’Europe durant presque huit siècles et dans notre France avec la mystique française du 17ème siècle. Dans ce dernier cas y prospèrera ce que l’on nommera le quiétisme à savoir se mettre au repos total pour s’ouvrir aux énergies divines. Peut-être sans le savoir ces mystiques français plongeaient leurs expériences dans le très ancien verset d’un texte biblique qui nous dit : « Ne t’oppose pas au courant du fleuve » (Ec 4,26). Cela n’est il pas éminemment contemporain ? Dans notre agitation perpétuelle ? Dans le vacarme des pseudo réseaux sociaux ?
À travers et grâce au silence intérieur,
nous pouvons si nous le souhaitons, devenir autre tout simplement et comme le vivait le protestant néerlandais Gerhard Tersteegen (1697-1769). « Ferme les yeux doucement, ce qui n’est pas Dieu, oublie-le ; fais silence devant le Seigneur et ne bouge pas afin qu’il puisse accomplir ce qu’il veut ».
Pour d’autres, comme Jakob Bohme (1575-1624), le Un de Dieu se trouve dans la contemplation de la Nature. « Tu ne trouveras aucun livre où tu pourras mieux étudier la sagesse divine qu’en traversant un pré en fleurs ; c’est là que tu sentiras le parfum et le goût de la force merveilleuse de Dieu »…..Où peut naître Dieu en nous.
Nous effleure alors un tout autre monde,
un grand ailleurs comme l’illustre la calligraphie ci-dessus. L’être humain est à la charnière du fini et de l’infini comme un nouvel arbre de vie. Il existe un aller-retour permanent entre l’être humain et ses tuniques de peau et l’infini qui racine en nous et n’a aucune limite.
Et, à l’horizon, la naissance de Dieu en nous
Cet illimité prend naissance en nous,
sans que nous le sachions forcément consciemment et nous englobe entièrement par la certitude que la présence de Dieu nous habite en permanence.
La prière permanente,
quelle que soit sa forme, est semblable au souffle de l’inspir-expir qui nous fait vivre. Les orientaux chrétiens le pratiquent couramment…..et les occidentaux tout autant, du moins jusqu’à une date récente…..qui nous empêche de le retrouver dans l’infime de nos quotidiens et suivre ainsi les suggestions de Thérèse d’Avila ( 1515-1582) qui demandait à ses sœurs carmélites de trouver Dieu au fond des casseroles qu’elles récuraient . Et entrer ainsi dans la voie immémoriale du silence.
Gérard Emmanuel Fomerand
Cet article a 4 commentaires
À travers la lecture de ta proposition de compréhension de l’Un , j’ai pris peur tout en étant caressé par la perspective…
L’unité chérie de nos monothéismes hébraïque, chrétiens ou musulman, contient la vision d’un Dieu d’Amour qui conçoit, peut-être une Pax populi, accessible du vivant de chacun dans la mesure où notre Dieu, Un, s’offre comme union des différences et pas comme unité des singularités.
Penses-tu que notre Dieu nous veut identiques dans nos différences ou plutôt unis malgré nos différences ? Pour ma part, et je ne sais ce que les mystiques, sages et saint(e)s en disent, je penche pour l’union de nos richesses.
Poursuivons notre quête et merci de ton aide, Gabriele
merci Gabriele de tes commentaires…tu me demandes mon avis sur l’inconnaissable que l’on nomme Dieu…or Dieu nul ne le connaît mais le Christ lui nous le fait connaître…quant à l’unité elle ne peut être que une et plurielle à travers nos diversités et notre unité…j’y reviendrai car j’envisage une série de chroniques sur les mystiques chrétiens..à bientôt
Merci Gérard-Emmanuel. Par Nature le pluriel diversifie et différencie. Ce qui en soit n’est pas un défaut, n’est-ce pas ? L’Unité ou plutôt, à notre échelle humaine, la recherche de l’unité, tente de rassembler ce qui est épars… en un seul corps. Le corps du Christ. Et pour cela, il faut apprendre à recevoir sa lumière.
Fortifions-nous !! !
merci Gabriele….tu as tout remarquablement résumé….dans notre monde en transition qui est en devenir de cette unicité qui vient et qui est déjà là sans qu’on le sache vraiment