Ce samedi 8 juin a pris des couleurs d’automne
quand nous arrivons au beau milieu de la campagne auvergnate, dans le village d’Aigueperse près de Clermont-Ferrand. Accueillis chaleureusement par les membres de l’association « naître à Safata » dans la cure paroissiale, le père Pedro ne tarde pas à nous rejoindre, embrassant tendrement ses amis, venus l’écouter témoigner de l’évolution de son œuvre à Madagascar avant le repas et la conférence à suivre.
Rien n’est compliqué avec père Pedro.
Assis autour de lui, nous l’écoutons attentivement : « Il faut d’abord aider en respectant les gens, pour les révéler » confie-t-il. « Et vous, je vous aime trop, je ne suis pas venu pour vous endormir mais pour vous réveiller ». Ses mots réveillent et touchent au plus profond l’être humain qui sait entendre sa parole. Il poursuit : « Le pape a dit : pour être reconnu des brebis, il faut avoir l’odeur des brebis » signant d’une phrase son goût pour l’humilité car « ce sont les actes qui comptent et non les mots ». 50 ans qu’il vit avec ceux qui « ont la faim au ventre », ceux qui « n’ont pas assez à manger » pour qui une distribution de pain dans la rue devient un évènement.
Pouvons-nous réellement savoir ce qu’ils vivent ou même l’imaginer ?
Il parle d’un peuple debout, fier de ses ancêtres qui veut vivre. « Mais comment peut-on se développer quand nos routes nationales ne sont pas meilleures que vos routes de campagnes ?» s’interroge-t-il. « Et toutes ces guerres qui dépensent l’argent pour détruire au lieu de reconstruire les plus pauvres ». Sa sincérité et son courage sont contagieux. Nous sommes bien ensemble à l’écouter et parfois ses yeux se remplissent d’une lumière enfantine qui attire. «Les enfants de Madagascar m’aident à garder mes yeux d’enfants » nous souffle-t-il. Et puis Jésus « il m’a conquis à l’âge de 6 ans. Ma mère m’a rappelé que j’étais sorti de la maison avec un bâton à cet âge pour le défendre quand elle m’a raconté qu’il avait été cloué sur la croix ».
Et puis il enchaîne sur sa vocation :
« Je ne suis pas devenu prêtre pour rester dans un bureau mais pour marcher sur les traces de Jésus. Il a toujours marché, de village en village. On n’est jamais aussi convaincu qu’en pleine marche face à l’adversité et si on dit assez, c’est le début de l’ankylose, notre foi et notre esprit diminuent ». Soulignant l’humilité de la présidente de l’association, Georgette Koenig, et de ses membres, ses mots réchauffent et encouragent. « Si nous voulons parler au nom de l’évangile, nous ne pouvons pas être hautains. Jésus a toujours pris la dernière place, dans tous les sens. Il n’a jamais demandé de pierres précieuses ».
Chez lui, à Madagascar,
un stade ou une carrière de pierre servent à rassembler 10000 personnes pour les joyeuses messes dominicales. « Nous prions partout, pas seulement dans les églises ».
De la venue émerveillée du pape à AKAMASOA (association « les bons amis » du père Pedro) chez lui à Madagascar, il évoque la joie respectueuse du peuple malgache autour de François, tellement nombreux à célébrer l’esprit saint que l’homme du « Laudato si » lui glissera à l’oreille qu’il n’oubliera jamais cette ferveur : « J’ai vu une lumière dans la cité de l’amitié, partagez-la dans tout Madagascar et au-delà des frontières car tout ce qui est lumière, tout ce qui est beau, amour et vérité n’a pas de frontières ».
C’est dans cet esprit que,
le lendemain, en officiant dans l’église de Saint Pardoux, près d’Aigueperse, il fait rayonner, en compagnie d’un prêtre malgache et d’un diacre, les mots des textes sacrés. « Je parle aux humains, pas aux statues des églises qui ne répondent pas. Et regardez cette couronne en or sur la tête de Jésus, lui qui en avait une en épine. Soyons simple, mes amis». Et ils sont nombreux en ce dimanche brouillardeux à braver le mauvais temps pour remplir l’église ! « Voyez, dehors il y a le brouillard, la chaleur est là en chacun de nous. Nous avons à faire grandir l’homme intérieur et non l’homme extérieur qui veut dominer l’autre».
Père Pedro n’impose rien, restant disponible à tous.
Et quand nous lui demandons s’il dialogue avec des saints, il sourit : « Il vaut mieux s’adresser au bon dieu qu’à ses saints. Je m’adresse à Jésus pour demander ». Avant l’interview prévue de RCF faisant suite à la messe, nous lui partageons que nous avons été touchés par sa prise de parole. Il nous renvoie à « l’esprit divin » car rien ne semble lui appartenir…pour l’instant d’après, jouer au football avec un enfant dans une salle des fêtes aux allures de stade juste avant le déjeuner.
Pedro aime l’esprit d’équipe,
celui qui fait grandir l’humain en fraternité. « Je voulais être prêtre footballeur, alors j’ai dit au père supérieur que mon idée était d’aller chercher les gens où ils étaient le dimanche. Au stade. Je marquerais des buts, j’aurais des fans. Mais il a refusé et m’a demandé de choisir. Je suis devenu prêtre tout en continuant le football. J’ai même joué la coupe de France en troisième division dans les années 70 » s’amuse-t-il. Père Pedro n’est pas venu en France pour briller mais pour faire vivre 30000 malgaches, parmi les plus pauvres de la planète.
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« Je ne demande rien et j’accepte l’aide quand elle est faite avec amour. Même la plus petite avec sincérité sera toujours bien meilleure qu’une grande aide faite avec arrogance. Si vous gagnez de l’argent de façon juste, partagez-le pour ceux qui ne peuvent même pas manger. Mais comment se fait-il que l’humain, si intelligent, puisse créer des I phones et ne soit pas capable d’inventer une société d’amitié, de justice, de fraternité et de savoir vivre ensemble ? » lance-t-il en levant les yeux au ciel, lui le fils de croyants parents slovènes qui ont fui la Yougoslavie et le communisme pour l’Argentine, terre d’accueil d’après guerre où les mélanges de nationalité fleurissaient à chaque coin de rue. Cette rue qu’il connait si bien, s’étonnant à son arrivée en France d’y voir si peu de monde. « Où sont les enfants, ici ? À Madagascar, ils jouent tous ensemble dehors ». Lui qui, sans voix devant 150 enfants sur un tas d’ordures au milieu d’animaux, a décidé de ne plus jamais les quitter pour devenir un des leurs à force de courage, d’amour et de sincérité.
Des écoles, maisons, cimetières, une maternité
ont été construits sur son énergie. Quand père Pedro se retourne sur ce qu’il a accompli, il ne peut croire que c’est lui qui a initié cette force. « Mais la mémoire de Dieu n’oubliera pas, hein ? ». Le ciel s’éclaircit en ce dimanche 9 Juin et le soleil pointe son nez sur l’éclatante verdure auvergnate. Humblement, le père Pedro, homme de foi inébranlable poursuit son chemin faisant régner l’étendard de la paix et de la réconciliation.
« Naître à Safata »
Georgette Koenig
est l’actuelle présidente de l’Association « Naître à Safata », née en 2003, qui a pour but d’apporter un soutien financier, éducatif, sanitaire ou matériel à la maternité de Safata, à Madagascar, et dont la gestion et le fonctionnement sont assurés sur place par l’association Akamasoa du père Pedro OPEKA. Dans son enfance, elle ramassait les poubelles à Madagascar pour la transformation.
Elle a connu la dure condition des enfants
qui, eux, transportaient les ordures pour les vendre. La pauvreté est telle à Madagascar que la possibilité d’accès à l’éducation est faible. Elle a dû arrêter ses études en CM2 pour aider sa famille. Sa chance fût son travail de « nounou » pour des fonctionnaires malgaches, l’emmenant jusqu’à Paris où une nouvelle vie s’est offerte à elle. Sa famille est restée sur place. Elle ne peut oublier son histoire et tous ces enfants démunis.
Touchée par la foi et l’esprit du père PEDRO,
elle n’a pas hésité un instant à initier un mouvement de solidarité concentré sur la maternité de Safata. Georgette n’est pas seule mais est entourée par une équipe chaleureuse pour œuvrer dans les actions de l’association telles les opérations « bols de riz » pendant la Carême ou lors du repas malgache annuel qui servent à recueillir des dons. Située en Auvergne, près de Clermont-Ferrand, elle aide son mari à l’agriculture en plus du temps passé pour l’association.
Sa gentillesse, sa dignité et sa modestie
lors de notre partage collent bien avec l’esprit de l’association. Pour elle, servir lui procure une joie immense. Dans la fraternité, où « Naître à Safata » grandit doucement, Georgette a trouvé un sens à sa vie d’engagement.