Depuis trente ans, vous avez beaucoup parlé et écrit sur la crise de la quarantaine. Mais aujourd’hui, quel regard portez-vous sur elle ?
Pour montrer ce qui se joue selon moi dans cette crise de la quarantaine, je vais faire un bond en arrière. Il y a environ
2 000 ans, trois êtres remarquables, trois prophètes, sont apparus – Bouddha, Jésus et Mahomet – et ont montré une nouvelle façon d’exister, une nouvelle façon d’être. Comme s’ils nous disaient : « Il existe en toi des blessures, des imperfections que tu ne supportes pas, et tu te juges, et tu en juges les autres. Mais si tu apprends à les aimer, tu découvriras en toi un homme miséricordieux, un Meilleur de toi en attente d’accomplissement, et ta vie en sera transformée. »
Je crois que la crise de la quarantaine réveille, en quelque sorte, la mémoire de ce message. Un beau matin, on se lève avec le goût de : « Ça ne peut pas être que ça, ma vie ! » On a accompli notre ego, à travers trois réussites – affective, professionnelle, sociale –, chacun selon ses besoins et… on n’est pas heureux ! On a plus ou moins réussi dans la vie, mais on n’a pas réussi sa vie.
C’est en fait une jolie crise, car elle nous rappelle qu’il y a en chacun de nous un Meilleur qui sommeille et grâce à qui on pourrait utiliser notre existence d’une tout autre manière.
C’est donc une crise centrale qui nous tourne vers un autre futur ?
Oui. Cette crise nous dit : « Ton ancienne façon d’exister n’est plus bonne, il t’en faut découvrir une nouvelle. » Les solutions précédentes qui nous rendaient heureux ne suffisent plus, et quelque chose au fond de nous n’en veut plus mais ne sait pas quelles sont les solutions suivantes.
Cette crise se présente-t-elle de la même manière aujourd’hui où les conditions de vie ont changé ?
C’est sûr, elle se modifie. Car réussir en 2024, ce n’est pas la même chose que réussir en 1980 où la capacité de réussite était très grande, et où cette crise existentielle pouvait arriver très tard. Aujourd’hui on sent bien qu’on va devoir se contenter d’une réussite beaucoup plus modeste parce que tout devient très limité. Les conditions de la réussite matérielle, professionnelle, mais aussi affective et sociale ne sont plus les mêmes. Et donc je pense que la crise de la quarantaine va se produire plus tôt, vers 30-35 ans.
Pouvez-vous préciser ?
Aujourd’hui, avec les problèmes d’abus sexuels et de dénonciation, la réussite sexuelle, et donc affective, se réduit. Avec Internet et les réseaux sociaux, l’engagement dans une présence physique sociale et associative n’est plus le même. Et avec l’inflation et la crise économique, la réussite matérielle s’est amoindrie. Il serait donc assez logique que dans le futur la crise de la quarantaine ait lieu dès le début de la vie active, car les hommes ne se contenteront pas de la seule réussite extérieure et chercheront très vite à donner un autre sens à leur vie.
Cette crise qui est individuelle, a-t-elle une signification collective ?
Je le dirais autrement. Cette crise appelle le Meilleur de l’homme, et chacun est responsable de vouloir ou non le Meilleur de lui. Notre petite nature humaine est une nature qui accuse, de par notre passé, de par notre histoire. Elle n’a rien à voir avec une nature seconde en nous – rendue possible par les trois prophètes – qui est miséricordieuse, qui comprend la misère de soi, des autres et du monde. Aujourd’hui le monde va vers le chaos, vers la pollution, la faillite économique, les guerres, les accusations. Il faut que des hommes individuellement choisissent de rencontrer le Meilleur d’eux-mêmes, et ce sera la somme de ces hommes qui produira un autre avenir à l’espèce humaine.
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En ce moment, on semble être en pleine crise sociétale. Est-elle en rapport avec la crise de la quarantaine ?
On est dans l’évolution d’un système, c’est-à-dire qu’on s’aperçoit que gagner plus d’argent, avoir toujours plus – de vêtements, de voitures, de loisirs, de rapports sexuels, etc. –, ce n’est plus la solution. C’est peut-être bien l’espèce humaine tout entière qui est, en quelque sorte, dans une crise de la quarantaine… La vie occidentale est devenue un triste modèle pour la terre entière car nous sommes trop riches pour que les autres puissent l’être eux aussi à ce point, et notre
richesse produit beaucoup trop de pauvres. Après le communisme, le capitalisme va s’effondrer à son tour. Et il va falloir inventer un autre mode de gestion qui se fera à partir du Meilleur de l’homme et non pas à partir de l’ego. Car si nous persistons à vouloir gagner toujours plus, consommer plus que le nécessaire, l’espèce humaine va droit dans le mur et conduit la terre au chaos.
Pour lire l’article en entier, Revue Reflets n°51 pages 33 à 37