Au cœur de l’occident mystique
Thomas Merton (1915-1968)
est un contemporain très proche de nous et de nos préoccupations. Il naît dans un contexte troublé, celui de la première guerre mondiale puis sera très marqué par la mort de son frère, pilote dans l’armée de l’air américaine durant les combats de la deuxième guerre mondiale.
Il va avoir une vie en deux temps, avant et après son retournement qu’on appelle communément conversion même si le sens en est usé par le temps.
Ressemblant en ce sens à Augustin d’Hippone, et à ses célèbres confessions,
il va connaître comme lui une vie agitée de baladin, poète et quelque part noceur. Après une première étape où il va explorer les plaisirs de la vie, il va mesurer les limites et les échecs jusqu’à en connaître un dégoût radical et un rejet complet. Mais, comme il l’écrira dans son livre Une nuit privée d’étoiles, qui aura un succès mondial « Chaque moment, chaque événement de la vie d’un être humain sur la terre, plante quelque chose dans son âme. ». Ce livre a été écrit à la demande de son supérieur une fois qu’il aura fait le choix d’entrer dans une chartreuse américaine, à Gethsémani dans l’État du Kentucky. Il aura ainsi fécondé sa propre vie avant de diffuser le message d’une renaissance dans le monde entier.
Un trappiste atypique ?
Thomas Merton est en effet atypique. Très international de parcours avec une francophilie avérée, il constata un jour le vide de son existence dans une société américaine déjà déstabilisée par la drogue et le matérialisme à tout va. Il changea de cap, entra dans le catholicisme le plus monastique qu’il soit, à la Trappe aux tats Unis.
Il écrivit donc ce livre La nuit privée d’étoiles qui eut un écho retentissant car toute une génération s’y reconnaissait. Alliant parole poétique et une faim de Dieu flamboyante, c’était aussi l’histoire d’une âme. En ce sens même si son témoignage est moins prégnant de nos jours avec la montée des totalitarismes religieux, il peut être justement pour nous un repère à travers son expérience de la paix intérieure. Et en deuxième lieu, son fort investissement dans le dialogue non pas religieux mais spirituel avec le bouddhisme marqua son temps. Et il ouvrit bien des portes qui restent largement à explorer.
Le vingt et unième siècle sera mystique ou ne sera pas ?
Dans le troisième tiers de sa courte existence, il approfondit ses connaissances du Bouddhisme. Il noua une grande amitié avec le Dalaï Lama et devint un fin connaisseur du moine bouddhiste vietnamien Tich Nath Than récemment décédé ainsi que du maître japonais Dabetz Teitar Susuki.
Il fut l’un des initiateurs du Dialogue Intermonastique ou DIM.
C’est l’une des personnalités qui ont le plus souligné que la rencontre du bouddhisme et du christianisme serait probablement l’événement marquant des prochaines décennies non pas dans la fusion confusion mais dans l’approfondissement du parallélisme des expériences.
C’est d’ailleurs lors d’une rencontre entre christianisme et bouddhisme qu’il mourut accidentellement.
L’unité transcendantale des spiritualités sans syncrétisme, une Voie nouvelle ?
Après le temps des conflits religieux, ou du rapport difficile entre les formes religieuses instituées, est venu le temps du dialogue. Thomas Merton en a été l’un des premiers artisans. Mais il n’était pas pour autant un partisan d’un quelconque syncrétisme.
Il consacra les dernières années de sa vie à être le témoin de mille ans d’expérience monastique trappiste mais celle aussi de la rencontre avec la méditation bouddhiste. Quels étaient, non pas les similarités, mais les points où l’expérience du dépouillement aboutissaient aux mêmes états de conscience.
Le « rien » des spirituels chrétiens était-il proche du « néant bouddhiste » ?
Désert, montagne, détachement réunissaient dans les mêmes constats les pratiquants bouddhistes et chrétiens au-delà sans doute de leurs cultures et religions de rattachement. Thomas Merton écrivait sur ce point des phrases éclairantes : « Il y a toujours une tension entre langage et expérience, le premier créant une pluralité de religions, et le second étant une source de communion au-delà des mots, une communion dans l’expérience authentique. »
Là est bien le maître mot…
authenticité…. À nous tous adressé…Sommes-nous authentiques dans notre quête du sens ? Pour Thomas Merton, l’important n’était pas des réponses toutes faites mais les questions posées. C’est là sans doute aussi que les questions posées en boucle réunissent les chrétiens et les juifs dans cette interrogation plurimillénaire de « l’homme -quoi ».
Nous avons la un thème de méditation commun
au christianisme et au bouddhisme, celui de l’ouverture des yeux sur ce l’on est pour contempler peut être un jour l’infini. Le maître bouddhiste japonais Nichiren (1222-1282) rejoignait ainsi la symbolique d’une spirituelle alsacienne du huitième siècle, sainte Odile dont il n’avait sans doute jamais entendu parlé mais qu’il rejoignait par delà les frontières.
Gérard -Emmanuel Fomerand
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