L’infini passe l’homme
Le détachement est le travail d’une vie et ne se termine jamais vraiment. Peut -être que le passage sur l’autre rive de la vie qu’est la mort en est l’ultime étape. Les modes modernes en ont fait un marqueur des spiritualités de l’extrême Orient d’où la fascination d’un Occident mondialisé pour un bouddhisme lui-même très divers.
Ce détachement est cependant au cœur de la Bible et des Évangiles mais comme un trésor enfoui ou une pépite précieuse cachée sous les scories dogmatiques ou moralistes que nous ont inculquées des siècles de christianisme institutionnalisé.
Le détachement au cœur des Écritures.
Le psaume 127 de la Bible nous le rappelle depuis au moins trois mille ans :
« Si le Seigneur ne bâtit la maison,
En vain peinent les bâtisseurs.
Si le Seigneur ne garde la ville,
En vain, la garde veille…
Vanité de vous lever matin…
Quand le Seigneur comble de bienfaits son bien-aimé qui dort .»
Un autre texte biblique nous le dit d’une autre façon à travers l’Ecclésiaste dont le fil conducteur est la vanité de toutes choses préalable à toute liberté intérieure faisant fi des images sociales.
Détachement et liberté intérieure
Se détacher dans notre monde contemporain de communication fictive et virtuelle est une attitude constante, une façon d’être parfois illisible voire incompréhensible pour les personnes soumises aux divers formatages, notamment éducatifs puis culturels, qui sont nôtres depuis notre naissance. La normalisation et la somatisation des représentations sociales, qui sont des formes d’idolâtrie actuelle si souvent dénoncées par les prophètes bibliques, sont les ultimes avatars des errances modernes.
C’est là que nous est proposé un chemin de liberté évangélique
qui a plusieurs facettes : dépouillement, abandon de l’inutile et sans doute d’abord de soi-même, se vider pour se remplir d’une autre réalité sans nom qui nous dépasse en sont quelques unes des étapes incontournables.
Le détachement au quotidien
La demande massive de spiritualité, et non pas forcément de religion plutôt discréditée par leur dogmatisme ou par leur communautarisme, est sans doute l’un des éléments refondateurs de nos sociétés. La revue Reflets a apporté sa part de contribution et la poursuit à travers ces chroniques sur l’avenir de la foi. Nous l’avons déjà vu, foi et confiance sont le même mot et surtout la même expérience d’avancer vers un monde nouveau à partir de terreaux parfois très anciens, remontant au moins à plusieurs milliers d’années dans l’héritage judéo-chrétien.
La question vient immédiatement à l’esprit du comment ?
La réponse est à la fois simple et complexe. Et le détachement en est sans doute la première étape. Se détacher de quoi ? Peut-être et d’abord de soi-même ? Car il s’agit probablement de notre première zone de protection devant l’inconnu. En ce sens, l’être humain est bien un animal ou un primate comme les autres. La différence ou l’inconnu est un danger potentiel au degré initial d’une rencontre, quel que soit son type, amicale, amoureuse, ou autre. Le moi est haïssable écrivait Blaise Pascal car il nous distingue immédiatement comme « zone protégée « et donc à défendre. La célèbre parole du Christ « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé » est la seule réponse possible dans nos vies. Langage utopique ? Oui et non… car cela renvoie à notre liberté, à ce dilemme qui traverse toute la Bible… « Tu as le choix entre la vie ou la mort… Choisis la vie » nous dit le Seigneur. Cette méditation sur les personnes que nous sommes nous conduit à une mutation radicale de nos vies. Ne plus juger, ne plus enfermer les personnes dans des catégories bonnes ou mauvaises. Se rend on vraiment compte de cette révolution de vie dans ses composantes les plus banales ? Se vider de nos enfermements, tous issus de ces peurs archaïques…..Quelle transmutation du déroulement nos journées !
Le détachement ou l’accueil de l’autre
Se détacher c’est donc accueillir avant tout l’autre quel qu’il soit ou l’écouter en profondeur dans ce qu’il est ou dans ses zones d’ombres et de lumières, en les dépassant, ou en les extrayant l’une de l’autre comme nous le montre la photo ci-dessus. Pour non seulement l’écouter mais l’aimer tel qu’il ou elle est … C’est, sans doute, là l’étape primordiale de tout itinéraire spirituel.
Du détachement émotionnel au détachement religieux
De ce détachement interpersonnel vient ou peut venir le détachement par rapport à toutes les formes instituées notamment celles dites religieuses. Combien de conflits, de massacres, de sang coulé par toutes les religions au nom de dogmes autoproclamés de source divine transformés en dogmatismes biens humains ? Cette constatation remet toutes les idéologies, politiques ou religieuses à leur vraie place, celle d’une verbalisation voire d’une invention qui n’est autre que celle de l’air du temps, des modes, de simples évènements ?
Encore une fois le texte biblique de l’Ecclésiaste nous le redit en permanence… Tout est vanité et poursuite du vent… À nous de l’insérer dans nos aujourd’hui en nous inspirant du livre qui est au cœur de la tradition judéo-chrétienne, la Bible.
Gérard Emmanuel Fomerand
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Le détachement de l’égo
Un certain jour de jeune enseignant que j’étais au sein de l’école normale Gerson à LYON, j’ai voulu, en toute légitimité d’ailleurs m’opposer violemment à un groupe important d’élèves dont le niveau scolaire et le comportement à mon égard s’avéraient intolérable. J’avais l’opportunité de prendre une mesure d’autorité qui avait l’avantage d’être fort efficace en cette fin d’année scolaire. Cette mesure, je la pris bel et bien. Mais quelle catastrophe sur le plan relationnel ! L’établissement scolaire où j’enseignais sans grand enthousiasme, fut plongé dans une atmosphère de silence et de tension extrême, si bien qu’un collègue me demanda de faire machine arrière.
Nous étions en juin 1958. A cette époque les jeunes n’avaient pas comme actuellement les moyens de se payer facilement des voyages. Aussi les établissements scolaires organisaient souvent en fin d’années des sorties en autocars pour le plaisir des élèves et celui du personnel. La décision que je pris avec force autorité fut d’ordonner au chef d’établissement de supprimer carrément le voyage tant attendu de tous, tout en lui faisant remarquer que son refus entrainerait mon départ immédiat. Il s’exécuta sans problème et j’annonçai moi-même aux élèves la décision prise…ce qui eut pour effet de plonger l’établissement dans une ambiance proprement délétère
Au bout de quelques heures de réflexion, d’une nuit peut-être, je décidai d’aller annoncer publiquement mon intention de lever la sanction, prétextant que ce qui arrivait était l’objet d’un malentendu. A 25 ans, on n’a pas encore appris toute les subtilités de la vie relationnelle et on a tendance à faire avant tout valoir ses droits à l’autorité et au respect. A cet âge, on traite les affaires avec plus ou moins d’arrogance et on garde ses distances. Ma décision était un pari qui pouvait tourner en ma défaveur et me faire perdre la face. Rien de tout cela !
Durant les jours qui suivirent, je vis venir près de moi des jeunes lycéens avec lesquelles je n’avais eu des rapports aussi chaleureux. C’est ainsi que je ressentis en moi une immense libération. Telles sont les lois de la psychologie qui parfois sont paradoxales, autant que cette phrase de l’Evangile : « Si l’on te frappe la joue droite, tends l’autre joue ! »
Le retrait de l’égo est souvent la clé de l’union des cœurs. Les philosophies orientales nous l’enseignent. Mais cela ne marche pas tous les coups. Le tiers inclus se dissimule là où l’on ne l’attend pas.
Cette opinion relative au détachement religieux ne me convient pas. L’homme est paradoxal: il a besoin de liberté mais il doit être guidé par des repères. Les dogmes ne sont pas inutiles. Tout abri a besoin d’une charpente.
Vous êtes au cœur du débat sur le paradoxe de l’être humain entre nécessaire liberté et besoin de repères ou de charpente…..dans ce monde en transition voire en ébullition, l’axe de mes recherches se trouvent dans la redécouverte de l’homme intérieur….qui edt un espace de paix…..et se crée en Alsace un groupe de parole sur le thème des oasis d’humanité…..nous commençons à peine…et en reparlerons! Merci de vos commentaires qui participent à ces méditations
La vie est construite d’attachement, à partir du jour de notre naissance.
Le détachement est je pense pour moi une sorte de Liberté.
Le détachement ultime est sûrement le passage dans l’au-delà.
Bien vu….associer liberté et détachement…..
Encore une fois le texte biblique de l’Ecclésiaste nous le redit en permanence… Tout est vanité et poursuite du vent… À nous de l’insérer dans nos aujourd’hui en nous inspirant du livre qui est au cœur de la tradition judéo-chrétienne, la Bible
Alors si tout est vanité alors la Bible est vanité !!!
“Vanitas vanitatum” est une expression latine qui signifie “Vanité des vanités” en français. Elle provient du Livre de l’Ecclésiaste (ou Qohelet) dans l’Ancien Testament de la Bible. Le Livre de l’Ecclésiaste est attribué au roi Salomon et contient des méditations sur la nature de la vie, de la sagesse, de la morale, et de la vanité des choses terrestres.
L’expression “Vanitas vanitatum” est souvent utilisée pour rappeler l’éphémérité de la vie humaine, la fragilité de la condition humaine et la futilité des vanités terrestres. Elle est fréquemment employée pour encourager la réflexion sur les valeurs plus profondes de la vie, la moralité et la recherche de la signification spirituelle.
L’expression “Vanitas vanitatum, omnia vanitas” est également courante et signifie “Vanité des vanités, tout est vanité.” Cela renforce l’idée que toutes les choses terrestres sont passagères et futiles par rapport à des réalités plus profondes et spirituelles.
L’expression “Vanitas vanitatum” a inspiré de nombreuses œuvres d’art, en particulier dans la peinture néerlandaise du XVIIe siècle, où l’on trouve de nombreuses natures mortes (vanités) représentant des objets symboliques de la vanité et de l’éphémérité de la vie, comme des crânes, des sabliers et des fleurs fanées. Ces œuvres servaient à rappeler aux spectateurs la brièveté de la vie humaine et l’importance de la recherche de valeurs plus élevées.
Le détachement est pour moi l’accès à la réalité ultime. Je vois tellement de personnes attachées à leurs émotions, à tel point enfermées en elles mêmes qu’elles en oublient l’autre et n’arrivent plus à voir la réalité telle qu’elle est. Se détacher devient donc urgent si l’on souhaite être libre et accéder à la beauté, à la joie, à la vie telle qu’elle est ! Merci pour cet article !
très beau commentaire pour relier détachement , beauté, et joie
Tu aimeras Dieu et ton prochain comme
toi même.
Jean Marcos
Le détachement est une merveille que la vie spirituelle nous offre lorsque l’on a cheminé bien des années. Le détachement n’est pas l’oeuvre du jeune qui entre dans la vie spirituelle, ni moins encore celle de celui qui assume des responsabilités dans le monde avec un oeil spirituel. Il est l’oeuvre par excellence de celui ou de celle qui ayant cheminé longtemps, longtemps entrevoit la lumière intérieure profonde. Il la sent, la devine, en fait l’expérience. Alors tout devient occasion de détachement pour gagner la lumière, ou plutôt pour la laisser éclore dans une passivité active que ne comprennnent que ceux qui la vive. Après ces détachements, lorsque la paix intérieure gagne du terrain, il est possible de revenir au monde et d’aimer avec sourire ceux qui sont devant nous. Alors alternent détachement, éloignement et joie d’être avec ceux qu’il nous est donné d’aimer, même nos ennemis, même les ennemis de la vérité.