Nettoyer les océans reviendrait à entreprendre ce que l’apprenti sorcier, dans le dessin animé de 1940 de Walt Disney, Fantasia, s’épuise inutilement à faire : notre civilisation pollue beaucoup plus rapidement les océans qu’elle n’est capable de les nettoyer.
Ce gyre océanique, vortex grand comme six fois la France
La presse et les médias ont accordé leurs unes depuis quelques années à l’émergence de projets ambitieux par la démesure de leur entreprise : nettoyer nos océans, et plus particulièrement tout le plastique qui flotte à la surface du désormais tristement célèbre 7e continent. Ce gyre océanique, vortex grand comme six fois la France et rempli de déchets, a été découvert en 1997 par l’explorateur américain Charles Moore. Il est situé entre la Californie et les îles Hawaï. La surface de cette immense décharge flottante pèserait 80 000 tonnes et il y flotterait librement près de deux mille milliards de déchets en plastique…
Le public s’enthousiasme de la dimension innovante de ces projets.
Quoi de plus fédérateur qu’Ocean Clean Up, le projet un peu fou de ce jeune Hollandais de 18 ans, Boyan Slat, qui invente un concept de barrage flottant dérivant au gré des vents et courants pour rassembler les détritus qui sont ensuite extraits et recyclés. 40 millions de dollars ont été levés pour réaliser un prototype qui, malgré quelques récents déboires, devrait prochainement opérer directement dans le « continent plastique ». L’organisation prévoit que 60 barrières, d’un à deux kilomètres de long chacune, permettraient de ramasser 90 % des déchets d’ici 2040.
Mais l’enthousiasme n’est pas généralisé. En effet, quelques experts avertis, au rang desquels Paul Watson que nous avions interviewé (Reflets n° 21), reprochent à ces projets de se tromper de cible. Selon P. Watson, il serait bien plus pertinent de s’attaquer à la source de la pollution plutôt qu’au stade final de ses conséquences désastreuses. L’argument tient la route : une étude récente de la Commission européenne estime qu’entre 150 000 et 500 000 tonnes de déchets plastiques sont rejetés annuellement dans les mers par les seuls pays de l’Union.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ?
Si les premières utilisations du plastique naturel remontent à l’Antiquité, c’est entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle que de nombreux chercheurs ont contribué à la découverte du plastique synthétique, à base de résine dérivée principalement du pétrole. C’est pendant la Seconde Guerre mondiale que ses applications se diversifient et son usage se multiplie. En effet, ses propriétés sont nombreuses (imputrescibilité, légèreté, solidité et rigidité, résistant à la corrosion à l’abrasion, aux chocs, isolant, peu conducteur, élastique…) et son mode de production plus rapide et moins coûteux que les matériaux qu’il détrône. On estime aujourd’hui à 8,5 milliards de tonnes la quantité de plastique produite dans le monde en 70 ans. Avec une production mondiale qui augmente de 8,5 % par an, on estime qu’environ 30 milliards de tonnes auront été produites d’ici 2050. Or, nous n’en recyclons qu’environ 30 %. Et, inconvénient majeur de ses nombreuses qualités, il lui faut plusieurs dizaines, voire centaines d’années pour se désintégrer totalement, un tiers étant brûlé ou enterré, et le dernier tiers échappant encore au circuit du recyclage pour finir dans les océans.
Pour lire l’article en entier, Reflets n 31 pages 6 à 8