Ni pessimisme ni optimisme

Il est banal aujourd’hui de prévoir l’effondrement de notre société, voire de notre civilisation. Encore faudrait-il définir ce qu’est notre société et ce qu’est notre civilisation. Pour certains, cet effondrement proviendra de la finance coupée de l’économie humaine, pour d’autres, de l’agriculture industrielle détruisant la biosphère, de la démographie ou encore de l’« écervellement » produit par les GAFAM et l’industrie numérique. J’en passe. Chacun a raison. Les diverses approches se potentialisent rendant le processus inéluctable. Mais à quel terme ? Ces constats difficilement contestables, sauf pour ceux qui y trouvent leur intérêt, provoquent un état d’esprit pessimiste. Un sentiment de fin de vie de l’humanité déplorant son incapacité, sa médiocrité, sa nature destructrice. Au fond, cette ambiance est identique à celle d’une existence humaine s’acheminant vers sa fin, abandonnant ses illusions en constatant amèrement qu’elle n’a pas servi à grand-chose. La vie est perçue comme un passage inutile s’achevant sur rien, et l’humanité s’autodétruisant inéluctablement.

C’est là où je m’insurge. Je refuse de baisser les bras. Car cet état d’esprit est préfabriqué. Un siècle d’athéisme a balayé pour une part les croyances religieuses et pour une autre part la motivation de la vie spirituelle, qui consiste à essayer d’être un meilleur humain. D’abord, l’athéisme a été philosophique avec le marxisme, puis politique avec le communisme. Aujourd’hui, il est le fondement du pouvoir des consortiums matérialistes, maîtres à penser, qui détruisent sans vergogne la terre et ses habitants. Les humains ne seraient que de la chair utilisable à merci.

L’expérience consistant à tenter d’être meilleur conduit à une tout autre conviction : l’humanité n’est pas condamnée à la destruction mais au renouvellement. L’existence ne s’achève pas dans la chair mais dans la gloire. L’activité de chercher à devenir un meilleur humain ne produit pas des croyances (religieuses ou matérialistes) mais la foi, qui est une certitude fondée sur l’expérience.

La vision du futur est alors différente : la société qui s’effondre ouvre la porte à une société (un peu) plus juste. À une autre échelle, la civilisation condamnée à disparaître est le terreau d’une nouvelle, déjà commencée par ceux qui s’exercent au partage, à l’altruisme, à la consommation raisonnée. Bref, à une vie de meilleure qualité en essayant d’être meilleurs. Ni pessimisme ni optimisme. L’expérience d’une vie qui ne cède pas aux sirènes du nihilisme de la consommation.

Christian Rœsch