J’étais circonspecte.
Je ne connaissais pas ce prêtre jésuite, jamais lu, vaguement entendu parler. Notre directeur de publication a insisté pour que son portrait figure dans Reflets. Je voulais écrire sur Pascal, c’est l’année anniversaire… Depuis trois mois je suis plongée dans les Pensées quelque peu bousculantes de Pascal… Donc là, il y avait matière !
Pascal m’a rapprochée de Theilhard de Chardin et vice versa.
Ce que je découvre
avec Pascal, Theilhard de Chardin et Abélard (plus tôt, dans la période moyenâgeuse) c’est une nature rebelle de ces héros pour défendre la science au sein de la pensée parfois dogmatique de l’Église. Des héros de la foi, intègres, fidèles à l’enseignement christique dans lequel ils se sont engagés corps et âme, et qui n’hésitent pas à monter
au créneau avec leurs convictions scientifiques en bandoulière pour dépoussiérer et chercher à prouver que la main de Dieu signe aussi l’évolution scientifique.
Pascal défend Galilée, Abélard n’hésite pas à s’opposer à Bernard de Clairvaux et Theilhard de Chardin ne verra jamais ses écrits publiés de son vivant en raison de l’opposition du Vatican.
C’est une lutte perpétuelle, l’évolution.
C’est une croisade constante, l’ouverture des esprits. Et cela depuis des siècles.
C’est un chemin de l’humanité, la tolérance.
C’est un éternel recommencement : combien devront encore et encore engager leur vie pour une humanité autre ?
L’histoire ne nous enseignera donc jamais !
C’est à la fois décourageant et enthousiasmant.
Sur cette Terre, des hommes remarquables d’engagement tracent leur route uniquement pour le Salut de tous. Ils méritent largement ces quelques lignes pour les faire connaître et les relire.
Pierre Theilhard de Chardin en fait partie.
Il n’a pas failli.
Il est resté jésuite, fidèle à l’Église, obéissant jusqu’au bout, avec un esprit de curiosité toujours en éveil pour effectuer des recherches en paléontologie, géologie, sciences naturelles, matières dans lesquelles il excellait et qui lui ont permis de faire des recherches tout au long de sa vie.
Chercheur, explorateur, aventurier, écrivain,
il est de tous les combats.
Ce chercheur du XXe siècle naît en 1885.
Brillant élève, il approfondit autant les matières spirituelles que scientifiques et, déjà tout jeune, il cherche à relier sciences et foi, et vise toujours la recherche d’absolu.
Sa vocation de jésuite est déterminée par le désir d’être parfait.
Il est ordonné prêtre en 1911.
Il s’engage comme brancardier volontaire
durant la Première Guerre mondiale. Il y vit un face-à-face avec le réel d’une rare intensité. C’est là qu’il écrira ses plus belles pages.
À son retour, il participe au grand mouvement scientifique moderne.
Pierre Theilhard de Chardin est persuadé que la science va s’imposer pour éclairer, pour lui l’évolution est une chance pour le christianisme.
L’Église ne l’entend pas de la même oreille
et se sent menacée par ce vent de modernité. Dès 1925, Theilhard de Chardin se heurte à un véritable lobby de théologiens influents à la curie romaine ; certains pensent qu’il aurait été victime d’un abus de pouvoir.
Dès ses écrits du temps de la guerre,
Teilhard de Chardin pressent ses différends et les problèmes qu’il allait générer avec l’Église, ce dont il témoigne dans sa correspondance à sa cousine Marguerite : « Je ne vois guère comment mes idées verront le jour autrement que par conversation ou par manuscrits passés sous le manteau… ». C’est exactement ce qui
s’est produit tout au long de son existence. C’est sur la question du péché originel que tout se joue entre sa compréhension et celle de l’Église. Il écrit « Le mal va se résoudre avec le progrès, ça ira de mieux en mieux », dans cette intuition de la présence de Dieu dans le monde comme une immanence plutôt que la transcendance défendue par l’Église ; là se situe le « différend ».
Il conserve pour autant une véritable obéissance à l’Église et à ses engagements.
Teilhard ne craint pas d’investir librement sa recherche spirituelle,
même s’il ne peut s’en faire l’écho que par voie de conversations, de lettres et de quelques conférences dont certaines sont reprises par les auditeurs sous forme de documents polycopiés. Convaincu de la vérité de son Christ cosmique, il va jusqu’à écrire de véritables synthèses – Le Milieu divin, Le Phénomène humain, La Place de l’homme dans la nature – dont il sollicite en vain la publication.
Il est envoyé en Chine où il approfondit la géologie et la paléontologie.
Il rejoint l’équipe de l’institut géologique de Pékin qui travaille à reconstituer l’histoire. À 38 ans, il dirige les fouilles à 50 km de Pékin.
Pour lire l’article en entier, Reflets n°49 pages 77 à 79