OGM et pesticides :
un combat pour une vie meilleure
Rencontre avec Gilles-Éric SÉRALINI
Gilles-Éric Séralini est un spécialiste des pesticides et OGM. Professeur et chercheur à l’université de Caen, il est mondialement connu comme expert indépendant. Ce qui lui vaut beaucoup d’adversité. Il a reçu en 2015 le prix international du lanceur d’alerte et en 2016, le prix Théo Colborn pour la santé environnementale aux États-Unis. Il nous reçoit dans sa maison entourée de prés cultivés naturellement, dans un joyeux pépiement d’oiseaux, de meuglements de vaches bien nourries et de hennissements de chevaux musclés pour la course. Vu son activité, nous nous attendions à rencontrer quelqu’un de « surbooké ». Au contraire, nous avons l’heureuse surprise de découvrir un homme qui prend son temps, le déguste comme il déguste la bonne cuisine (bio) et le bon vin (bio). Nous ignorions qu’il était aussi poète, publié depuis longtemps. Il a dirigé la collection « Art Évident » aux éditions Regain. Un de ses titres : Il n’est source que bonheur, éd. Louis Riel, reflète vraiment le personnage dont la modestie cache l’incroyable compétence sur tant de sujets liés à la santé.
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Un des problèmes importants, finalement, n’est-il pas celui des experts ?
C’est le cœur. J’ai bien décortiqué le système pour avoir vécu avec eux. Depuis la guerre, les États se sont trouvés complètement appauvris suite à la privatisation brutale de leurs richesses vers les entreprises de pétrochimie, de métallurgie, de logistique d’armement, nées à la fin du XIXe siècle et devenues les plus riches du monde. Il s’agissait pour elles de continuer à commercialiser les produits toxiques inventés pour la guerre, en les recyclant ailleurs. Les explosifs sont devenus des engrais agricoles : les nitrates. Les produits utilisés dans les camps de concentration, comme le zyklon-B ainsi que d’autres gaz de combat se sont transformés en pesticides. Cela a conduit à une conception de la toxicité pour ne cultiver que des plantes. Mais comment ne pas penser qu’à long terme, cela n’allait pas aussi intoxiquer les gens qui mangeraient ces plantes ? Les États, n’ayant plus d’argent, ont demandé aux entreprises de faire les tests d’usage. Ils ont accepté à la condition de garder les résultats confidentiels pour que la concurrence ne s’en serve pas à leur profit. Par conséquent, la confidentialité sur la méthode de fabrication de produits et sur les tests qui ont servi à les mettre sur le marché ne permet pas d’en vérifier la teneur. Il n’y a pas de tests effectués sur les humains concernant les OGM, et dans 100 % des cas, ce sont des plantes à pesticides. À la différence des médicaments, il n’y a pas de tests cliniques. Autrement dit, comment voulez-vous vérifier ?
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On sait aujourd’hui que ces multinationales ont imbibé le milieu scientifique, ce qui explique le manque de transparence, la compromission parfois, mais en tout cas la solidarité de la plupart des experts qui sont puisés dans le même panier. Toutes ces multinationales proposent aux experts d’être project killer – grassement payé – qui consiste à critiquer en interne les projets des grandes compagnies au niveau scientifique, par exemple quand il s’agira de choisir le prochain OGM. Ils signent un contrat avec des clauses de confidentialité pour s’assurer que rien des projets étudiés ne sera dévoilé. Donc, aucune information dans la presse sinon pour dire qu’ils sont bons. Ces experts sont issus des agences réglementaires et des universités. Personnellement, je n’ai pas voulu signer ce contrat, car je me sentais bâillonné, et surtout, je veux m’endormir paisiblement à ma dernière heure.
Quelle solution voyez-vous à ce problème des experts ?
Il y a trente mille variétés comestibles connues, mais quatre qui représentent 60 % de l’énergie alimentaire mondiale : le soja, le maïs, le blé et le riz. Le soja OGM est modifié pour absorber le principal pesticide du monde, le Roundup. Cela facilite les cultures intensives. Tout le monde croit depuis plus de vingt ans que les OGM vont réduire les pesticides, si on ne dit pas qu’ils sont écologiques, grâce à la première plante du monde qui sert à absorber le principal pesticide du monde !! Le système fonctionne ainsi en se nourrissant d’experts qui sont en majorité acquis aux multinationales. Il n’y a qu’une solution pour en sortir, c’est d’apporter des expertises contradictoires en exigeant la transparence sur les tests. Il faut que ce soit la population qui le demande parce qu’il n’y a aucun ministre qui en a la force. Nous sommes allés voir Nicolas Hulot pour lui dire qu’il y avait de l’arsenic dans le Roundup. Il est d’accord, mais démissionne ensuite parce qu’il ne peut rien faire. Emmanuel Macron avec Angela Merkel ont aidé Bayer à racheter Monsanto. Si on se plaint que Monsanto est responsable de morts ou de cancers comme cela s’est passé l’été dernier aux États- Unis avec Dewayne Johnson, atteint d’un cancer dû au Roundup, eh bien, Monsanto paie 289 millions de dollars, et encore, cela est en négociation. Ce n’est rien. Mais Bayer qui dévisse de plusieurs milliards, voire 10 milliards, c’est plus grave, car 50 à 60 milliards ont été prêtés sur les impôts des Européens.
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De belles choses se développent déjà aujourd’hui mais elles sont encore si discrètes…
Imaginez la petite pousse au printemps qui se sent si petite face à un arbre. Peut-être qu’elle va devenir plus grande. Tous les flots importants n’étaient rien au départ. Mais on ne maîtrise ni le temps, ni laquelle de ces gouttes deviendra un flot irrésistible, ni quand, ni comment. La vie est la plus forte, elle est programmée pour ça.
Qu’est-ce qui vous motive profondément dans ce combat que vous menez ?
Je vis les choses dans ma chair. Oui, c’est un combat à risques, mais j’ai un critère : je me demande si je m’endormirai mieux à ma dernière heure, et du coup, je m’endors mieux tous les soirs. Si ce que je fais peut aider un seul enfant sur terre sans détruire la vie des autres, je n’hésite plus.
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Pour lire l’article en entier, Reflets n° 30 pages 26 à 32
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