Fondée en 2002 par la journaliste Danièle Ohayon et par le réalisateur Philippe Spinau, la Maison des journalistes MDJ est une initiative concrète et unique au monde.
Sa vocation : défendre les valeurs fondamentales d’une information libre dans le monde en accueillant et en accompagnant des professionnels des médias venus trouver refuge en France.
Aujourd’hui présidée par Christian Auboyneau et dirigée par Darline Cothière, l’association articule son action autour de trois axes principaux, avec le soutien d’entreprises, de ministères, de collectivités territoriales et de personnalités.
Vous montrez votre engagement en faveur de la liberté d’expression. Comment définissez-vous la liberté d’expression ?
Je dirais que c’est le droit qu’a tout individu de s’exprimer librement sur n’importe quel sujet. Elle s’arrête lorsqu’elle porte atteinte aux droits d’autres individus.
« Porter atteinte à autrui », ce concept n’est-il pas très vague ?
Il se définit à travers ses limites. C’est un phénomène planétaire qui s’amplifie avec l’avènement des réseaux sociaux qui permettent à n’importe quel citoyen de s’exprimer publiquement sur n’importe quel sujet. C’est une avancée démocratique, mais également un moyen de propager des discours de haine, de fausses informations qui circulent de façon exponentielle. On peut faire un usage toxique de ce droit à s’exprimer et c’est sa limite. Il existe un lien direct entre la liberté d’expression et la tolérance.
J’ai le droit de m’exprimer, mais jusqu’à quel niveau la personne qui reçoit mon propos peut-elle tolérer une offense ou un discours qui peut la blesser ? Dans beaucoup de régimes totalitaires, cette liberté est mise à mal. Nous le voyons à la maison des journalistes, avec le parcours de nos journalistes : souvent ils ont été persécutés parce qu’ils avaient usé de ce droit.
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Comment percevez-vous l’évolution de la liberté d’expression dans le monde ? La situation semble très contradictoire.
C’est un droit, n’importe quel individu peut s’exprimer et c’est une bonne chose. Mais ce phénomène affaiblit le pouvoir de la presse et des médias parce que le citoyen peut à lui seul mobiliser un ensemble de personnes ou diffuser des informations qui sont suivies et relayées par des milliers d’autres personnes. Le travail du journaliste, le pouvoir des médias sont désormais partagés, ce qui affaiblit la presse. C’est une avancée démocratique dans le sens où les citoyens peuvent s’exprimer.
Mais dans le même temps, devant les ravages constatés sur internet via les réseaux sociaux, se pose la question des limites de la liberté d’expression. Peut-on tout dire quitte à offenser des gens ? Doit-on accorder une totale liberté à Facebook, à Twitter pour arbitrer, décider de ce qui peut être publié ou pas, de censurer ? Les avis étaient partagés lorsque ces réseaux sociaux ont fermé les comptes de Donald Trump. Les règles de régulation des contenus sont inexistantes dans l’état actuel des choses.
Quels sont les problèmes spécifiques des journalistes réfugiés pour des problèmes de liberté d’expression ?
De liberté d’expression et de liberté d’informer : ce sont des personnes qui ne faisaient que leur métier. J’ai parlé d’usage toxique de ce droit d’informer. Il est arrivé que des journalistes soient victimes de diffamation de la part des autorités de leur pays qui ont fait circuler de fausses informations sur eux pour les discréditer. Publier un dossier ou un article qui ne plaît pas au régime en place a valu pas mal de problèmes à nos journalistes qui ont dû quitter leur pays.
Nous sommes une sorte d’observatoire de la liberté de la presse, de la liberté d’expression dans le monde. En dix-huit ans, nous avons accueilli près de 420 journalistes qui viennent de 70 pays différents au gré de l’actualité des répressions et des zones de conflits. Les nationalités représentées font écho à la situation des conflits dans le monde : journalistes syriens à partir de 2011, yéménites en 2014. C’est important pour nous qu’ils continuent de publier leurs articles, de s’exprimer librement, notamment à travers notre journal en ligne, nos différentes activités, parce que c’est aussi une forme de répression d’être en France et de ne pas pouvoir continuer à exercer ce droit fondamental.
N’hésitez pas à regarder notre articles ci dessous :
Pour lire l’article en entier, REFLETS n° 39 pages 40 à 43