L’urgence d’agir
Raphaël Pitti,
médecin militaire urgentiste et croyant
Maxime Mocquant
Raphaël Pitti est professeur agrégé de médecine d’urgence, anesthésiste-réanimateur, médecin militaire urgentiste, médecin général des armées. Depuis 2004, il est conseiller municipal de la ville de Metz, en charge de l’humanitaire est de l’urgence sociale et sanitaire. En juillet 2017, il a été promu officier de la légion d’honneur pour son engagement aux côtés des médecins syriens. Il l’a rendue en décembre pour protester contre la politique menée par la France à l’encontre des migrants.
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L’engagement, c’est quoi pour vous ?
L’engagement envers celui qui souffre se retrouve dans le fait d’être médecin : j’ai choisi l’urgence et la réanimation. Partout où je suis intervenu avec les militaires, nous avons fait de l’humanitaire, ouvrant l’antenne chirurgicale aux populations. Être tourné vers les autres, c’est ça. La foi ne fait que renforcer mon engagement. Selon Matthieu, nous serons jugés non sur notre foi, mais sur nos œuvres. Donc, sans œuvres, sans engagement, il n’y a pas de foi. Cet engagement envers les autres, c’est le Christ en tant que Dieu incarné qui le montre le mieux. Il est l’image même de celui qui se tourne vers les autres, pour les sauver. Mon engagement me pousse à aller vers celui qui souffre le plus. Si mes frères chrétiens sont massacrés, et si je peux les aider, je le fais. Mais en Syrie, seulement 10 % de la population est chrétienne sur 22 millions, dont environ 5 000 sont morts. Alors qui souffre le plus ? En Syrie, il y a eu 465 000 morts, pour la plupart des musulmans sunnites.
Daech a fait plus de tort aux musulmans qu’aux chrétiens : 13 millions de déplacés, 7 millions en Syrie, dénués de tout, 5 millions à l’extérieur. Les chrétiens, stigmatisés, sont considérés comme prioritaires, ils en profitent pour partir. Du même coup, on vide le pays des chrétiens, comme au Liban, ce qui est le but recherché. Or, les chrétiens ont leur place, ils l’ont toujours eue : alors pourquoi les aider à partir ? Essayons de tout faire pour qu’ils restent. Mais chrétiens ou pas, ce qu’ils veulent tous, c’est quitter le Moyen-Orient, parce qu’il n’y a pas d’avenir, parce que le système n’est pas démocratique, à cause de la corruption.
Les circonstances de la vie, même les plus défavorables,
m’ont enseigné pour en arriver où j’en suis
Récemment, un journaliste n’a pas pu publier l’article dans lequel il citait mes propos à ce sujet, car ils sont refusés par certains milieux chrétiens. Depuis toujours, j’ai la certitude d’être sur un chemin. À 15 ans, j’ai dit : « Je serai médecin », et tout s’est organisé pour que je le devienne. Grâce aux rencontres que j’ai faites. J’en suis persuadé : si vous êtes sur votre chemin, les choses s’ouvrent devant vous. Mon livre m’a obligé à faire un retour en arrière. Lorsque nous vivons, nous faisons des expériences, des rencontres, des maladies, les évènements se suivent, juxtaposés comme des perles. C’est en observant que l’on se dit : « Mais ces perles ensemble font un collier ! » Et cela donne sens en vérité. Si vous vous retournez, la vie est belle et elle a du sens. Avec ses difficultés, mais la vie est un flux qui vous traverse. Il suffit de se laisser faire. Je crois en ce que dit le Christ : « Ne vous préoccupez pas, à chaque jour suffit sa peine. Laissez aller, croyez. Détachez-vous, laissez-vous porter, et restez dans le sens du flux. »
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Pour lire l’article en entier, Reflets n° 29 pages 65 à 69