Au cœur de l’occident mystique
Quand nous admirons les paysages alpins de la Grande Chartreuse nous arrive cette question….
Qu’est-ce que l’esprit ?
Derrière ces solitudes de sommets montagneux, quelle est l’énergie qui perdure par-delà le temps ? Dans la tradition judéo-chrétienne, il s’agit du souffle même de Dieu, une haleine subtile qui un jour donna vie à l’être humain.
Cette haleine de vie subsiste et ne meurt jamais vraiment.
Elle se renouvelle sans cesse grâce au perpétuel renouveau qu’assure une contemplation des merveilles de l’univers que nous avons déjà évoqué ici. Cela suppose que l’on ait trouvé cette mystérieuse et heureuse solitude que toutes les spiritualités mettent en avant pour nous délivrer des idoles intérieures et extérieures que nous ne cessons de fabriquer au fil de nos angoisses. Cette psychologie spirituelle s’incarne dans la vie de ces moines ermites que sont les chartreux.
Qu’est ce qu’un Chartreux ?
Traçons d’abord un bref rappel de près de mille ans d’expérience monastique et de dépassement de soi. Le 24 juin 1084 un jeune homme nommé Bruno et ses six compagnons, à la recherche d’un lieu isolé, s’aventurent dans le vallon de Chartreuse pour y établir une maison de prière. Dans ce périple, l’évêque de Grenoble, Hugues, est à leur côté.
Une longue histoire va commencer.
Elle sera parsemée de malheurs en tout genre : avalanches, incendies, destructions des guerres de religion, fermeture en 1903 lors de la crise entre l’État et l’Église catholique, expulsion. Mais tel le phénix, la communauté monastique renaîtra toujours.
Cette dernière est à la fois particulière et universelle car elle plonge ses racines dans la plus haute antiquité chrétienne, celle des Pères du Désert du troisième siècle. Toutes les personnes, hommes et femmes qui s’abreuvaient a cette source, étaient réunis par-delà le temps et l’espace, par une identique faim de Dieu à qui ils se donnaient tout entier. Solitude, contemplation, méditation de l’écriture rythmaient leurs journées.
Le témoignage des Chartreux pour notre époque où l’actualité de l’Occident mystique
De nos jours, une quinzaine de moines chartreux continuent leurs vies de solitude et de prière dans ce vallon désert dans des montagnes escarpées. Et il y a bien d’autres trappes de par le monde et dans tous les continents. Leur vie est austère et frugale car elle suit l’ancienne règle bénédictine des quart temps : travail, méditation des écritures, liturgie, sommeil.
Le temps liturgique est lui-même divisé en sept heures pour mieux suivre les sept étapes de la course du soleil. Il y a deux offices majeurs, les Laudes et les Vêpres et cinq offices mineurs, Matines, Tierce, Sexte, None et Complies. Le moine les dit seul dans sa cellule après s’être longuement prosterné.
La méditation des écritures se fait grâce à la « Lectio Divina » ou absorption lente liée au vu cycle respiratoire de courts versets de la Bible. Nous évoquerons cette méthode de cheminement dans une chronique postérieure.
Être Chartreux dans nos vies ?
Il est clair que ce témoignage immémorial des Chartreux interpelle peut-être brutalement l’humanité occidentale dont l’horizon se résume souvent à une consommation sans fin. Il peut aussi surprendre tous ceux qui sont allés très loin chercher, notamment dans les spiritualités orientales, ce qu’ils avaient tout près dans leur propre ADN oublié. Comment ne pas être surpris voire choqués par ce comportement qui n’est qu’un simple rappel au milieu de nos oublis. L’être humain ne vit pas seulement de pain mais aussi d’une autre parole qui le dépasse mais aussi l’habite consciemment ou inconsciemment, celle de l’infini quel que soit le nom donné.
Et bien, ce témoignage est présent à côté de nous, voire en nous, si nous acceptons de le redécouvrir. C’est là que se situe le témoignage des Chartreux qui nous amène progressivement à la paix
La paix dans nos vies ?
L’appel à la paix intérieure et extérieure est au cœur de la spiritualité chrétienne notamment occidentale. N’y a-t-il pas eu des trêves de Dieu tout au long du Moyen Âge ? Le travail intérieur préconisé par les Chartreux est aussi une des retombées très concrètes de ce chemin sans fin de la paix intérieure. Dans un monde fracturé par des guerres pratiquement universelles, la paix est notre première raison d’exister pour les chrétiens. Le trappiste américain Thomas Merton sur lequel nous reviendrons dans la prochaine chronique nous le dit dans son livre sur la paix monastique. « Ainsi tous les chrétiens doivent ils avant tout répandre la paix, la posséder dans leur cœur et s’abandonner entièrement à l’Esprit de paix. Ils aideront à rassembler les moutons dispersés par les orages de ce monde, pour qu’à la fin il n’y ait plus qu’un seul troupeau ».
Ce travail commence aujourd’hui à l’écoute du sermon des Béatitudes : « Heureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu. ». N’est-ce pas pour tous un appel très concret ici et maintenant ? Et cela dans le lignage trois fois millénaire du psaume 131 : « Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble. » Irions-nous, par-delà les apparences, vers une révolution de la paix ?
http://www.laspiritualitedelabeaute.fr/
Gérard -Emmanuel Fomerand
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