Le haïku, peu de mots pour dire plus
Pierre Tanguy
Pierre Tanguy est journaliste, écrivain et poète. Originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère, il vit à Quimper après plusieurs années passées à Rennes. Il est l’auteur d’une quinzaine de recueils (dont quatre de haïkus) publiés dans une large majorité aux éditions La Part Commune. Dernière parution : Silence hôpital (2017) qui raconte précisément l’hôpital sous forme de haïkus. Pierre Tanguy a obtenu en 2012, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.
Le haïku est un genre poétique d’origine japonaise et aujourd’hui « mondialisé ». Il s’agit de capter l’instant à la manière d’un flash photographique et de le traduire dans une écriture poétique comprenant, dans sa forme classique, trois principes de base : la brièveté (trois vers), une allusion plus ou moins explicite à la saison, une césure qui donne une respiration interne à ce poème qualifié de « plus petit poème au monde » ou encore de « nano-poème ». Mais – on s’en doute – le haïku n’est pas qu’une affaire de technique d’écriture. Il nous parle bien plus que ne le laisseraient penser ces simples trois lignes sur une page.
Ce genre littéraire m’a d’abord séduit par son caractère concret et sensoriel (une vraie ouverture aux cinq sens), son art de l’ellipse (exprimer plus en disant moins), par ses affinités avec la nature et sa sensibilité particulière au passage des saisons. Autant de caractéristiques que le haïku partage d’ailleurs avec la poésie celtique au sens large et notamment bretonne. Et, à vrai dire, au début, j’écrivais des haïkus (ou l’équivalent) sans le savoir.
J’ajoute que le haïku fixe des instants dans leur précarité avant qu’ils ne disparaissent. Il leur redonne vie. Une manière d’affronter le dépérissement et la mort. « La lumière qui se dégage des choses, il faut la fixer dans les mots avant qu’elle ne s’éteigne », disait Bashô, le poète japonais (1644-1694) considéré comme le fondateur de ce genre poétique.
Le haïku est, enfin, porteur de thématiques que je qualifierai volontiers de « spirituelles ». Qu’il s’agisse de l’art du dépouillement et de l’ascèse. De la tendresse envers la nature et les créatures, des plus grandes aux plus petites. De l’attention particulière à l’infime, à ce que l’on méprise ou ignore. Qu’il s’agisse encore de l’art de déceler l’inconnu ou le merveilleux au cœur du familier, de l’ordinaire. On dit volontiers qu’avec le haïku on part du banal pour sortir du banal, comme dans ce merveilleux haïku du poète japonais Issa (1763-1827) :
Tuant une mouche
j’ai blessé
une fleur
Toutes ces caractéristiques rattachent implicitement le haïku à une forme de spiritualité que je qualifierai personnellement de franciscaine, dans un monde où dominent le désir de puissance, la confusion et le brouhaha, l’art du paraître et la logorrhée verbale. C’est cela, ce qui me passionne dans ce genre littéraire.
C’est pourquoi j’en écris, à l’image de celui-ci :
Du bruit partout –
je quitte mon écran
pour regarder la neige
(…)
Pour lire l’article en entier, Reflets n° 28 pages 36 à 38