En 2003, André Cognard ouvre à Bourg-Argental dans la Loire, Kinen Aikidojo, dojo dédié à son maitre Kobayashi Hirokazu. Il continue de développer cet enseignement dans le monde entier au sein de la Kokusai Aikido Kenshukai Kobayashi Hirokazu Ha. Au Japon, il est reconnu par les plus hautes autorités et a reçu le plus haut titre dans la hiérarchie des samurai : Hanshi et aussi So Shihan Maitre des maîtres, huitième dans le plus haut grade possible en aikido. Récemment, André Cognard a été décoré de l’ordre du Soleil levant.
Auteur de nombreux livres sur la pratique, l’éthique et l’esprit de l’aïkido. Dernier ouvrage paru en 2021 : L’harmonie efficace Sstratégie et tactique de l’esprit aux éditions Centon. www.aikido.fr
Le mot élévation est puissant. Il requiert une clarification. Qu’élève-t-on ?
S’agit-il d’un changement intérieur dont la caractéristique principale serait de se tourner vers le ciel, de s’orienter vers une instance sacrée ? En ce cas, il s’agirait d’élever sa conscience, ce qui impliquerait une séparation entre celle-ci et d’autres parties de soi. J’écarte cette hypothèse car elle va à l’encontre de ce qui constitue une nécessité absolue pour moi : l’unité. En effet, tout l’être est un et aucune partie de celui-ci ne peut être considérée comme plus haute qu’une autre. Il n’y a pas de division entre l’être spirituel et l’être tout court, pas plus qu’entre une part du sujet considérée comme bonne et une qui ne le serait pas.
Notre âme est une et indivisible. Nous sommes un et responsables, à défaut de quoi nous voyons l’identité se fissurer et la division devenir une manière de transgresser ce à quoi l’humain devrait se dédier sans cesse. La bonne part de moi, celle qui est éveillée devient le parapluie de celle qui reste en dessous dont elle condamne les errements potentiels. Ainsi devenu juge de moi-même, je reste dans ma perfection et me dédouane de mes fautes éventuelles.
Engagé dans un tel processus intérieur, un autre danger se profile immédiatement.
S’élever pourrait introduire une autre idée que celle d’un éveil de la conscience aux forces universelles : être au-dessus du commun des mortels.
Il existe en effet un risque avéré pour un adepte d’une pratique spirituelle ayant accepté cette division entre la part saine de soi et sa part pécheresse : celui de projeter cette division vers autrui et de se placer au-dessus de qui ne partage pas sa manière de concevoir le sacré et les moyens de s’en approcher. L’histoire des religions démontre largement qu’investis du droit de parler au nom du divin, nombreux sont ceux qui se sont placés en surplomb d’autres humains et n’ont pas hésité à les contraindre, les opprimer, et même les tuer.
Oui, n’oublions jamais qu’il ne fut pas rare, et c’est malheureusement encore le cas parfois, que des humains prétendent détenir une vérité sur le monde divin qui les autorise à régir ou prendre la vie des autres.
Pourtant, la pratique spirituelle devrait être avant tout fondée sur le respect absolu de la vie et d’autrui.
Toute pratique dont la doctrine permet d’emprunter sa puissance à l’une des figures du divin me semble dangereuse car elle va forcément à l’encontre d’une valeur inséparable de la spiritualité : le monde, tout ce qui le fait, et en particulier tous ceux qui l’habitent, tout est parfait.
Pour couper court à ce risque de vouloir dominer inhérent à la conscience humaine et à son fonctionnement, l’élévation doit être avant tout l’élévation de tout ce qui n’est pas moi. Mon maître m’a bien souvent répété : « Vos élèves sont parfaits. Si vous ne voyez pas leur perfection, c’est vous qui devez changer ».
Le monde dans lequel nous vivons est merveilleux. Bien sûr, il y a des souffrances mais celles-ci ont toujours cet effet de ramener la conscience là où elle fait défaut. Bien sûr, il y a des peurs mais elles sont là pour nous rappeler notre finitude et, ainsi, notre devoir spirituel.
Bien sûr, il y a des sentiments de solitude, d’abandon, mais ils sont là pour nous faire prendre conscience de l’importance essentielle de l’autre et engendrer de l’empathie.
Bien sûr, il y a des guerres mais elles nous indiquent clairement quand ensemble, nous faisons fausse route.
Toute violence est un échec de la conscience, celle-là même qui nous fait défaut pour voir la perfection de l’autre.
Quand il y a souffrance et cela, quelle qu’en soit la forme, il ne faut surtout pas chercher un coupable, ni soi-même ni autre que soi, il faut essayer de comprendre quel partage n’a pas eu lieu. L’autre est le sanctuaire dans lequel peut s’opérer mon changement.
Nos consciences fonctionnent comme les concepts que les mots qu’elles utilisent véhiculent. Elles excluent une partie de tout ce qu’elles expriment.
Notre « je » est représenté par notre conscience, et il se construit sur l’exclusion d’une partie de lui-même. Nous vivons donc divisés, conscients et inconscients, connaissant et ignorant de notre absolue subjectivité, jusqu’à ce que nous soyons capables de nous affranchir de l’obligation d’accéder à nous-mêmes par la pensée.
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Pour lire l’article REFLETS n°46 pages 31 à 34