La dette mondiale,
syndrome de l’humanité malade
Alain Pamart
L’endettement mondial cache une tyrannie déposée en l’homme, la recherche du meilleur profit pour soi et d’un mécanisme simple à sa portée, un enrichissement grâce à l’argent qui n’est pas le sien, masquant la domination sur les plus faibles que soi. Sans recul sur lui-même et sans auto-critique de ses moteurs profonds, nos financiers et maîtres d’industrie, pour ne citer qu’eux, s’engouffrent dans une course à l’échalote consistant à vouloir toujours plus, et surtout plus que son voisin. Alors que l’empilement de l’avoir s’opère, une autre spirale se met en place, celle de l’inquiétude croissante de perdre, alimentant à son tour un redoublement du vouloir encore plus. Heureusement, en l’homme est déposée aussi une nature généreuse, altruiste. Parviendra- t-elle à s’imposer avant la catastrophe prédictible.
L’endettement, réponse mécanique de l’insatiable de l’humain ?
Quel est donc le lien entre l’escalade du toujours plus et l’enchaînement d’un endettement toujours croissant ? Le terme technique « effet de levier » en est le maître mot. Concrètement, grâce au crédit obtenu du système bancaire, tout investisseur escompte obtenir, au-delà de la meilleure rentabilité de l’opération en elle-même, un rendement décuplé de sa mise de fonds propres. Ainsi verra-t-il son patrimoine s’accroître de manière exponentielle au regard de ses finances personnelles.
Ce processus d’adossement, finances personnelles et finances empruntées, autoalimente mécaniquement un cycle ininterrompu : expansion économique et endettement toujours en hausse.
L’endettement des entreprises et des ménages
Nous vivons une époque d’argent facile où l’emprunt est copieusement distribué avec des emprunteurs toujours plus prompts à s’endetter. L’endettement des entreprises et des ménages est un segment cardinal de la fluctuation des marchés avec sa résultante directe, une hausse attendue du niveau macroéconomique des États. Là se conjuguent à l’évidence les intérêts tant privés que publics. Les banques commerciales, face à l’engouement d’emprunts toujours croissants, y mettent-elles un frein avisé et sain, ne serait-ce qu’en raison de leur surface financière découlant de leurs dépôts et de leur patrimoine ?
Si ces dernières sont soumises, par la puissance publique, à une limite d’octroi de prêts, appelée taux de réserve, faut-il encore souligner que ce taux est particulièrement souple puisque plafonné à six fois leur niveau de monnaie centrale. Elles disposent de surcroît d’une faculté de contracter des avances de trésorerie auprès des banques centrales, nommées réserves fractionnaires.
Force est donc de constater qu’elles disposent d’une marge de manœuvre très largement étendue. Sans étonnement, elles l’utilisent amplement en contribuant directement à l’évolution de leur chiffre d’affaires, à l’accroissement de leurs rétributions, et en bout de chaîne, aux bénéfices et à leur redistribution aux actionnaires.
L’endettement mondial des États
Trois paramètres interviennent pour l’endettement des États.
Leur premier objectif est d’équilibrer les comptes publics avec, pour solution extrême (aujourd’hui récurrente), le recours à l’emprunt en cas d’insuffisance de recettes.
Leur deuxième objectif est d’assurer la meilleure économie possible pour engendrer de nouvelles recettes, rejoignant ainsi celui des acteurs privés et donc du secteur bancaire, d’où il résulte, sinon une connivence, une convergence tacite d’intérêts.
Le troisième paramètre consiste en une dépendance des États pour se financer en cas d’impasses budgétaires. En effet, les États dans leur ensemble ne disposent plus du recours à leur banque centrale mais à celui des marchés financiers, et notamment auprès des banques privées commerciales.
Tel est d’ailleurs la situation de la France depuis 2007 en tant que membre de l’UE. La Banque de France comme toutes les banques centrales ont ainsi perdu ce rôle de financeur, n’ayant aujourd’hui d’autre rôle qu’une simple mission de régulation.
L’enchevêtrement inégalitaire de la démocratie et du marché
Bien peu nombreux sont nos dirigeants politiques qui semblent véritablement se soucier de la vraie dimension que constitue la dépendance des États, puissances publiques vis-à-vis des marchés ; en d’autres termes, en confrontation directe avec les acteurs privés économiques de dimension supranationale, grandes entreprises et grands argentiers. L’endettement des États dans le monde est devenu endémique. La France n’y échappe pas avec aujourd’hui un niveau proche de son P.I.B. ; beaucoup d’autres en sont bien au-delà, notamment le Japon, de l’ordre de 240 %.
La caracole des emprunteurs et des créanciers sur le même bateau
Il semble opportun d’énoncer deux observations :
– un endettement bien choisi et géré est le gage d’un accroissement de rentabilité, facteur de remboursement, lui-même « générateur » d’un phénomène d’enchaînement ;
– un endettement même important est théoriquement indolore s’il n’est pas sanctionné par le marché ou s’il est assorti d’un taux d’intérêt particulièrement modique.
Ces deux observations dans le contexte présent conjuguent leur pesant d’or… tout au moins dans l’immédiat.
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