Entrer dans sa chambre haute ?
Qu’est ce que cette chambre haute qui revient si souvent dans les textes bibliques ? Elle a au moins deux sens que l’on retrouve en fait dans la plupart des pays de l’Orient antique. Le premier est tout à fait concret et lié à l’architecture des maisons. Il s’agissait d’une surévaluation légère du bâtiment en créant un dernier niveau en matériaux végétaux comme des roseaux pour servir de pièce annexe de réception. Dans une autre approche il s’agit de sa propre chambre intérieure ou de son espace spirituel.
Pourquoi ces deux sens ?
Les deux sens se retrouvent aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le nouveau. Le prophète Isaïe nous dit par exemple, inspiré par le souffle divin : « Viens mon peuple, entre dans tes chambres et ferme la porte sur toi » (Is 26-20).
Dans les évangiles chrétiens, les allusions sont encore plus fréquentes. Avant la Pâques et la Passion, la chambre haute est l’endroit de la maison utilisé pour les rencontres entre les apôtres et Jésus. La dernière Cène aura pour cadre aussi la chambre haute. La référence la plus explicite de la dimension spirituelle de ce lieu se trouve dans l’évangile de Mathieu quand il écrit : « Quand tu pries, entre dans ta chambre et ferme la porte sur toi »( Mt6-6). Au fil du temps, l’aspect matériel c’est-à-dire la chambre complémentaire s’est ainsi effacé pour ne laisser la place qu’à sa compréhension spirituelle.
La chambre haute ou l’espace intérieur de l’être humain
Il y a une sorte de message subliminal dans cette chambre haute où se déroulent, dans les évangiles, des scènes où le Christ affirme sa présence. Il nous est dit que tout bâti est dominé par un espace léger situé au plus haut de l’être humain où se tient une rencontre avec la présence divine.
Cette mise en relation avec cette autre dimension de nous-même
est une constante dans l’histoire de l’humanité et ses illustrations en sont innombrables. Parmi les plus significatives, citons, bien que la liste soit sans fin, les célèbres Dialogues avec l’Ange. Un groupe de de cinq Hongrois et Hongroises en pleine invasion de la Hongrie par l’Allemagne nazie en 1944 se réunissait fréquemment à titre amical. Il y eut un moment, lors de ces échanges, où brutalement l’une des interlocutrices indiqua que ce n’était plus elle qui parlait mais un « Ange » inconnu. Et cette entité échangea avec le groupe avec des références en majeure partie chrétiennes, sur le devenir de l’humanité et ses transmutations en cours ou à venir.
Le théologien chrétien orthodoxe Jean-Yves Leloup
parle de son côté du « Maître intérieur » qui nous habite. Quel que soit le nom attribué, l’espace intérieur est bien là et sous des formes variant suivant chacun. Cette rencontre a bien lieu et les témoignages en sont innombrables même si notre occident rationalisé et mondialisé n’en a pas vraiment conscience. Elle nous libère de ce qui nous enferme et notamment de nos propres conditionnements.
Chambre haute et rencontre avec le divin
Dans ce lieu intime, à la fois limité et sans frontières, nous rencontrons autre chose qui n’a pas de nom. L’évènement peut être soudain, progressif voir s’étaler sur une très longue durée. Mais les résultats seront identiques, une transformation de notre être. Une des « modalités » fréquemment pratiquée, dont nous reparlerons dans de prochaines chroniques, est la méditation profonde qui contrairement aux idées reçues dominantes en occident est bien vivante. Il s’agit d’une méditation incessante par la répétition, liée au rythme cardiaque, d’un verset biblique. Il apparaît sous sa forme contemporaine dès le troisième siècle après le Christ.
Mais il est en fait beaucoup plus ancien
car il est mentionné dès l’origine de l’humanité. Nous en trouvons l’une des premières mentions au chapitre quatre de la Genèse quand il nous dit que les hommes, à l’époque du Patriarche Énoch, commencèrent à invoquer le Nom du Seigneur. Un texte intemporel du Père Henri Caffarel (1903-1996), emprunté aux Chartreux du douzième siècle et qui se retrouve chez les mystiques rhénans du quatorzième siècle, est très parlant sur cette expérience. Nous en citons quelques strophes :
« O Toi qui est chez Toi dans le fond de mon cœur, laisse-moi te rejoindre dans le fond de mon cœur,
O Toi qui est chez toi dans le fond de mon cœur, je t’adore, mon Dieu dans le fond de mon cœur »
De nos jours, la Communauté mondiale des méditants chrétiens apparue dans les années 1960 et présente dans de nombreux pays est aussi le témoin de cette chaîne ininterrompue de méditation qui conduit à la rencontre de notre trésor caché. Nous aurons à reparler de ces méditants dans de prochaines chroniques.
Comment vivre au quotidien dans la chambre haute ?
Entrer dans sa chambre haute signifie de choisir un moment de la journée, unique ou multiple, où l’on se met un peu à l’écart dans un lieu indifférent et si possible calme. C’est bien là que se manifeste le paradoxe chrétien….être dans le monde et en même temps hors du monde car nous sommes à la fois citoyen de cette terre et de l’au-delà de cette terre, un « dedans- dehors » permanent.
Symboliquement, physiologiquement et psychologiquement, nous arrivons ainsi à briser les chaînes de nos finitudes pour entrevoir un trésor caché au fond de nous-mêmes d’une brillance inconnue et chatoyante comme nous le montre la photo qui ouvre cette chronique.
Gérard-Emmanuel Fomerand
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