Quelles pratiques quotidiennes pour notre chambre haute ?
La fossilisation partielle de nos institutions chrétiennes nous a fait oublier toute une longue expérience de l’expérience de Dieu en nous qui s’inscrit au cœur de la Bible et des Évangiles. Tout au long de deux mille ans d’histoire ont été expérimentées de multiples « méthodes » qui ont fleuri en Orient puis dans l’Occident chrétiens. Il va sans dire que ces méthodes ne sont pas monolithiques et s’entrecroisent souvent. Mais c’est à chacune ou chacun de trouver le bon bâton du pèlerin tout au long des chemins de sa vie. Le terme de méthode est, comme tous les mots, piégeant car il donne une forme à ce qui est, par nature, sans forme… mais nous tenterons d’approcher cette expérience tout en en constatant les limites qui sont profondément les nôtres. Nous avons en effet à garder précieusement ce qui fait notre unicité pour ne pas tomber dans l’uniformité massive qui caractérise notre monde.
Cela renvoie à la parole profonde d’un très jeune spirituel chrétien contemporain, Carlo Acutis (1991-2006) : « Nous naissons comme des originaux et la plupart d’entre nous meurent comme des photocopies ».
Permanence tout au long de nos journées
C’est sans doute l’acteur franco-britannique Michael Londsdale (1931-2020) qui a le mieux résumé dans l’un de ses propos l’essence d’une pratique de la relation permanente à ce Dieu qui nous habite. Une de ses paroles était citée dans la revue Reflets n°43, page 26 : « Ma journée est remplie de prière comme un dialogue incessant avec le Seigneur. Je lui donne les moments que je vis. C’est une intimité, un partage immédiat avec Lui. » Cet homme, qui incarna si bien l’un des moines martyrs de Tibherine dans le film « Des hommes et des dieux », nous retranscrit dans des mots très actuels l’une des formes possibles de la relation au Tout-Autre issue, sans doute, de plusieurs milliers d’années d’expérience qui nous viennent de la lointaine et ancienne matrice judéo-chrétienne.
Les formes en sont très variées et nous en verrons ci-après quelques-unes sans, en aucun cas, que la liste en soit complète car elle est sans fin et varie au gré des époques et des contextes. Mais le résultat est toujours le même, vivre l’essentiel dans son quotidien dans les limites de nos finis et dans l’avant goût de notre infini.
La posture et les métanies
La posture jambes croisées, à laquelle s’attachent fortement d’autres traditions, notamment celles issues de l’indouisme comme le bouddhisme, c’est à dire l’assise avec les jambes repliées (cf la position dite du lotus), n’ont que peu ou pas d’importance en ce qui concerne le christianisme. Certaines postures existent néanmoins et nous les évoquons ici.
Les Pères et les Mères du désert du IVème siècle adoptaient assez souvent une position d’assise sur un petit tabouret en levant (ou non) les bras vers le ciel ou plus simplement en regardant la terre ou une image inspirante. D’autres n’avaient aucune posture particulière, se tenant par exemple sur une seule jambe le plus longtemps possible voire des jours entiers.
Les métanies (au sens propre du grec retournement) sont par contre restées d’usage fréquent dans l’orthodoxie et dans des communautés occidentales. Répétées à l’infini, elles peuvent frôler les limites d’une sorte de transe.
Oraison et prière
En fait les deux mots sont synonymes mais des nuances les différencient quand même. Ils renvoient tous deux à la racine latine orare que l’on traduit généralement par prière. Mais ils correspondent néanmoins à des états spirituels différents. L’oraison est le plus souvent silencieuse alors que la prière a une connotation vocale et en général de demande adressée au divin. Un état d’oraison est le plus souvent long voire très long allant jusqu’à plusieurs heures. Il s’agit alors d’une plongée dans le silence. En groupe ou en solitaire, des personnes orientées psychologiquement vers le Seigneur, ou vers un épisode de sa vie, tentent de faire un dialogue ou l’établissent. Les exemples et les formes en sont innombrables.
La prière peut, mais ce n’est pas forcément le cas, partir de textes tout faits, en les répétant parfois comme dans les différents rosaires ou chapelets très courants en Orient comme en Occident. La plupart du temps elle est vocale…mais au bout d’un temps plutôt long un déclic peut se produire voire des phénomènes de type mystique.
La lectio divina (lecture divine)
Cette approche nous vient de très loin, d’au moins trois mille ans, car elle dérive de la méditation des versets de la Bible hébraïque. Il s’agit d’une lente, attentive et inspirante lecture d’un court verset de la Bible. Sous la forme chrétienne, elle a été mise en avant par Origène autour de l’an 220, il y a donc plus de 18 siècles. Redéveloppée autour du douzième siècle par Guigues le Chartreux, elle a pris sa forme contemporaine toujours pratiquée en quatre temps. Sa durée est indifférente et va de quelques minutes à plusieurs heures.
Elle commence par le choix d’un verset le plus court possible de la Bible, puis de le lire très lentement (lectio), de le méditer (ou méditatio), de le prier (oratio) pour arriver enfin à la contemplation (contemplatio). Et là peut se produire le « miracle » de la rencontre avec le Seigneur à travers un dialogue silencieux qui nous renvoie à ce que disait et vivait Mikael Londsdale au début de cette chronique.
Bien entendu toutes ces méthodes n’en sont au fond qu’une….un dialogue permanent avec ce qui nous habite…..et la façon la moins éloignée de notre vie est de la rapprocher du cycle respiratoire que nous vivons sans le savoir plus de 24.000 fois par jour !
Le souffle
Nous ne faisons ici que l’évoquer car ce thème ou pratique a pris une telle importance que la prochaine chronique y sera consacrée « Le souffle dans nos vies ». Mais ce texte aura eu au moins l’ambition de retrouver un trésor spirituel enfoui pour nous tous et toutes aujourd’hui.
Gérard Emmanuel Fomerand
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