Destin remarquable
Gino Bartali, champion cycliste Italien, a gagné le tour de France en 1938 et 1948. 10 ans d’intervalles entre 2 tours, exploit inégalé à ce jour. En 2013, il est reconnu Juste parmi les Nations par Le Mémorial Yad Vashem grâce à une multitude de témoignages de proches, amis ou prêtres. Le très riche livre « Road to Valor »écrit par un couple d’américains, suite à 10 années d’enquête, relate avec beaucoup de précisions les faits. Il n’a jamais, de son vivant, souhaité que l’on parle de ses actions. « Les choses se font mais ne se disent pas »répétait-il. C’est après sa mort en 2000 que les médias n’ont cessé de vanter le courage de cet homme qui a sauvé 800 juifs et 50 anglais pendant la Guerre grâce à son vélo et au péril de sa vie. Touché par la lecture du livre de Jean Paul Vespini « Gino, le Juste », Nous décidons de nous rendre sur les lieux de son enfance en Italie. En ayant à cœur de ne pas trahir sa belle âme, la vie va nous offrir la rencontre d’un de ses plus intimes amis, Andréa Breschi. Avec comme cadeau, la grande chance que Luigi, le fils cadet de Gino acceptent de nous témoigner leurs souvenirs.
Je crois que Dieu m’a créé pour pédaler, c’est son vœu. Je suis donc entré dans le cyclisme comme on entre dans les ordres
Son entrée, en 1943, dans le réseau Delasem en collaboration avec le Cardinal Dalla Costa de Florence l’amène à parcourir des milliers de kilomètres à vélo, cachant des faux documents dans son tube de selle, jusqu’à une imprimerie clandestine, pour sauver des juifs. En 1979, Paolo Conte, chanteur italien chante « combien de routes dans mes sandales, mais combien en aura fait Bartali ? ». Cette chanson prend tout son sens à ce jour. Gênes, le Vatican ou Assise puis retour à Florence, souvent 320 km aller-retour la même journée. Parfois, il dormait dans les monastères protégé par ses amis prêtres. Toujours avec la prière comme fil conducteur.
« Gino avait une spiritualité bien personnelle »nous raconte Andréa Breschi « il priait pour que l’Homme soit bon. Il n’hésitait pas avec son franc parlé d’exprimer, au pape et aux hommes d’églises, ce qu’il ne trouvait pas juste ». Ami de pie XII qui l’avait remercié dans une lettre pour ses envois de documents, il échappa au pire quand les fascistes interceptèrent la fameuse missive. Il justifia l’envoi de patates au Vatican pour retrouver sa liberté, après quelques jours de prison !!! .Gino risquait bien sa vie et celui de sa famille. Même s’il refusa de dédier sa victoire au régime de Mussolini, préférant déposer son bouquet de vainqueur dans Notre dame des victoires à Paris pour Thérèse de l’enfant Jésus, son « immunité »de vainqueur du tour de France 1938 le protégeait.
Luigi, fils cadet de Gino me raconte « Un jour, mon père fut arrêté par un poste de soldats allemands, emmené à la villa Triste de Florence connue pour ses persécutions et tortures, il passa une nuit en prison ». Admiratif, les soldats en oublièrent de fouiller son vélo ! Sainte Thérèse semblait veiller sur cet homme qui avait gravé son visage de religieuse sur son cadre de vélo. Car ne fallait-il pas être accompagné par une foi inébranlable pour tenir de tels engagements dans ce monde ténébreux et sans pitié que cette deuxième guerre mondiale ? Gino avait connu l’église avec des parents très croyants. La mort accidentelle sur un vélo de son frère Giulio en 1936 fût un drame qui renforça sa foi, à tel point qu’il décida son entrée à l’ordre du carmel de saint François d’Assise peu après. « Je pédalerai avec toi, Giulio, je te parlerai comme au temps où nous faisions courber les montagnes »se répétait-il.
Quelle plus belle histoire sportive que celle de Gino ? Troublé et ému, je l’avais été en découvrant celle de Gitta Mallasz, artiste peintre, championne de Hongrie de natation, scribe du livre
« dialogues avec l’ange » et, elle aussi, Juste parmi les nations en 2011. Et une question : pourquoi, quand le sombre, tel une toile d’araignée, envahissait un monde perdu pendant la période nazi, des hommes et des femmes ont risqué leur vie pour en sauver d’autres ? comment peut-on être animé d’une telle foi ?
Pour lire l’article en entier, Reflets n°29 pages 74 à 78