Destin Remarquable
Christiane Singer, une âme pure
Maryline Hubaud
Née en 1943 à Marseille, la ville colorée qui a bercé son enfance, elle garde de cette période le sens et la chaleur du contact humain. « Je dois l’expérience de l’altérité à mon enfance marseillaise où coexistaient toutes les races et toutes les nations dans une profusion de forêt tropicale : Africains, Maghrébins, Syriens, Libanais, Arméniens, Vietnamiens, Italiens, Espagnols, Polonais, etc. La rencontre avait lieu au hasard de l’école, des rues, des amitiés, jamais préméditée ni programmée, toujours dans l’apparent et savant désordre de la nature, à la fois sans déterminisme et sans arbitraire, à la manière qu’ont les plantes de se mêler, de se lier et de s’écarter. […] »
C’est l’histoire d’une petite fille qui regardait la mer dans les yeux des vieillards… Fille d’un père juif et d’une mère chrétienne, elle retrouve la mystique du christianisme après avoir gouté au mystère de la kabbale, la sagesse du bouddhisme et l’enseignement de Durkheim. Tout au long, elle cherche cet émerveillement de l’enfance, cette présence incroyable qui donne la profondeur de l’instant. Toute cette quête, elle la mène entre écriture, rencontres, conférences et stages. C’est en 1967 qu’elle quitte la France pour se marier avec Georg Heinrich Comte Thurn-Valsassina. Loin de son pays natal, l’amour de la langue française dans laquelle est écrite toute son œuvre, publiée chez Albin Michel, est le fil d’Ariane de sa véritable identité à travers son périple européen (Suisse, Allemagne, Autriche).
Dans la forêt de Rastenberg, elle organise des séminaires à la « Lichtung » (« La Clairière »), une maison édifiée par son mari architecte et conçue par elle. Il y règne une atmosphère propice à la connaissance de soi et à l’épanouissement de la personnalité, où la communion avec la nature devient source de sagesse et d’émerveillement.
C’est là aussi que s’organisent des stages où se mêlent marche, méditation, taï-chi, zen, travail sur le corps. Toute sa vie, elle cherchera les moyens de transmettre l’intensité de la vie : « Ce qui manque le plus à nos vies, c’est l’intensité surgie de l’intérieur. La rencontre de personnes vivantes en donne le goût ».
Une femme de lettres
Elle sait manier les mots et faire vibrer les sentiments, illustrer les images et exprimer la profondeur des idées. Le texte est pur dans la recherche du mot juste, sans fioritures ni minauderies. Le texte est construit et prend le lecteur par sa beauté et sa justesse. Elle est une femme de lettres, c’est une évidence.
Elle écrit pour transmettre ce en quoi elle croît, elle parle pour une nécessaire prise en compte du spirituel qui couve dans le cœur de chacun. « J’essaie d’éveiller chez le lecteur quelque chose que nous avons en commun de plus grand que nous ».
La recherche du sacré
« Ce n’est pas un contenu que j’ai à transmettre, chaque âme est dans une telle richesse. Il faut que cette richesse soit réveillée… Nous ne sommes pas mis en relation avec cette profondeur par le type d’éducation qu’est la nôtre…»
Elle consacre sa vie à tout cela avec une passion pour l’humain et la vie qui le traverse. Dans son œuvre, elle place la dimension intérieure et spirituelle propre à chacun et l’éthique de soi au cœur de son œuvre. Treize romans et essais témoignent de sa recherche du sacré.
En septembre 2006, lorsque son médecin lui annonce qu’il lui reste six mois à vivre, à la suite d’un cancer, elle écrit un journal au cours de ses derniers mois, qui sera publié sous le titre Derniers fragments d’un long voyage. Christiane Singer est décédée en avril 2007, à l’âge de soixante-quatre ans.
« La libération, c’est cette qualité d’attention et d’amour portée à nous-mêmes, autres, aux choses qui l’amènent. Obstinée, aveugle à tout le reste j’ai traversé la passion. Je comprends aujourd’hui qu’elle s’apparente à la sainteté ; école du dénuement, renoncement à tout le reste. »
Cette passion de la vie qu’elle cherche à éveiller, à faire partager à son vaste auditoire, est résumée sur sa tombe par cette épitaphe : « J’ai tant aimé ce monde où rayonne Ta gloire »
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Pour lire l’article en entier Reflets n° 24 pages 63 à 67