Au cœur de l’occident mystique
Christiane Singer (1943-2007) est notre contemporaine. Elle est inclassable dans les catégories habituelles des « prêts à croire » proposés par les diverses religions. Écrivaine, spirituelle, poétesse à sa façon, elle était hors normes. Sans doute, comme la plupart des personnes de notre génération, elle échappait aux frontières confessionnelles. De sensibilité chrétienne, elle souhaitait en dépasser la pesanteur des dogmatismes et des formes instituées. Pour ce faire, elle se mit à l’écoute de Graf Von Durckheim (1896-1988), psychothérapeute et philosophe allemand très proche du bouddhisme zen dont elle suivit les sessions. Au fil du temps, des rencontres et de ses propres méditations, elle en arriva à saisir l’essence de l’amour comme lien universel de l’univers. Elle le vécut, à une puissance exponentielle, lors de sa douloureuse agonie d’un cancer de courte durée mais totalement destructeur. C’est pour cela que nous insisterons dans cet article sur l’éblouissement qu’elle connût dans ses derniers jours.
Bien sûr, ses précédents ouvrages révélaient une très profonde spiritualité mais les paroles qu’elle dicta ou fit téléphoner dans ses moments ultimes sont d’une telle intensité qu’on ne peut proposer que le terme d’éblouissement ou d’émerveillement pour essayer d’approcher la sève et le sens intime et universel de ce qu’elle nous a transmis.
Le mystère de souffrance
À sa façon, Christiane Singer a vécu la souffrance du Christ dans le jardin de Gethsémani où des gouttes de sang s’écoulaient sur son visage. Il savait que la crucifixion l’attendait. Christiane nous parle quant à elle du fond de son lit où un cancer est en train de la dévorer de l’intérieur. Quelques jours avant sa mort, elle adresse un dernier message par téléphone en avril 2007. Elle nous y parle de sa dernière aventure, une vertigineuse et assez déchirante descente et traversée avant tout dans le mystère de la souffrance.
Elle affirme avoir beaucoup de peine à bien en parler car elle ne peut que l’évoquer. Dans ses propres mots, elle nous dit que, dans cette souffrance, elle se dit avoir été abrasée jusqu’à la transparence et calcinée jusqu’à la dernière cellule. C’est peut être grâce à ça qu’elle a été jetée dans l’inconcevable et qu’elle a dérivé dans un espace inconnu.
Que reste-t-il quand tout est détruit ? Un espace inconnu…
Que nous dit encore Christiane Singer de cette plongée dans l’inconcevable ? Ses mots sont bouleversants et magnifiques…. « Quand tout est détruit, quand il n’y a plus rien, mais vraiment plus rien, il n’y a pas la mort et le vide comme on le croirait, pas du tout, je vous le jure. Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’Amour. Tous les barrages craquent. C’est la noyade, c’est l’immersion. L’Amour n’est pas un sentiment. C’est la substance même de la création. »
L’amour, substance de la création
Pour Christiane, dans cet état de calcination de son être physique au seuil de sa mort, il lui a fallu sortir pour en témoigner. Elle croyait jusque là que l’amour était reliance ou une relation avec les autres ou ses frères et sœurs humains. Et elle poursuit le récit de son expérience ultime…. « Nous n’avons même pas à être reliés car nous sommes à l’intérieur les uns des autres ». La perspective que dégage Christiane est renversante et vertigineuse. Pour elle, de l’autre côté du pire, nous attend l’Amour et c’est la bonne nouvelle qu’elle souhaite apporter à l’aube de son grand passage.
L’émerveillement par-delà la mort
Christiane nous affirme alors qu’il faut être abattu comme un arbre pour libérer une telle puissance d’amour. Elle le ressent comme une vague immense, une onde merveilleuse, un éblouissement. Et elle continue le récit de son expérience en nous disant qu’il ne lui reste plus qu’à oser aimer du seul amour qui mérite ce nom et dont la mesure soit acceptable, l’Amour exagéré, l’Amour démesuré, l’Amour immodéré !
Nous voilà au-delà de toutes les religions, au-delà de toutes les formes. Nous entrons dans notre propre Infini alors qu’apparemment tout a disparu. N’est ce pas l’état ultime de l’émerveillement ? Nous atteignons alors une sorte de sommet inexprimable où nous ne sommes plus désormais qu’écoute d’une autre réalité qui nous enveloppe et nous dépasse, une totale unité par-delà le temps et l’espace. Cette réception intériorisée du Tout Autre nous renvoie à l’antique parole de la Bible de « Écoute Israël ». C’est bien ce que nous illustrerons dans les prochaines rubriques de cette chronique sur le cœur de l’Occident mystique, l’écoute de l’au-delà des formes.
http://www.laspiritualitedelabeaute.fr/
Gérard-Emmanuel Fomerand
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