Au cœur de l’occident mystique
André Louf est notre exact contemporain à quelques années près et il est paradoxalement assez peu connu. S’il est dans le lignage des chartreux que nous avons déjà évoqués, il n’en demeure pas moins méconnu alors qu’il est l’un des témoins majeurs de ce que le judéo-christianisme appelle l’homme intérieur.
Qu’est-ce que l’homme intérieur ?
Le terme est souvent trouvé dans les écrits bibliques. Sa formulation la plus célèbre nous vient de l’apôtre Paul écrite autour de l’an 50, il y a donc près de 2.000 ans : « Si l’homme extérieur s’en va en ruines, l’homme intérieur lui se renouvelle de jour en jour » (épître aux corinthiens 2, 4, 16). Sous d’autres formes, cette idée de la dualité de l’être humain à la fois fini et infini, est affirmée depuis deux millénaires et a guidé la vie d’innombrables personnes. De nos jours, un auteur comme Jean-Guilhem XERRI le répète dans un langage plus actuel quand il écrit que « la vie intérieure est le lieu où l’on devient vivant et où l’on s’ouvre à l’infini »
André Louf ou le témoin de l’infini dans notre vie
André Louf est sans doute venu en ce monde pour témoigner que l’infini n’était pas une sorte de chasse gardée des mystiques ou de moines dans l’enclos protégé de leurs monastères. Pour ce spirituel d’aujourd’hui, l’espace de l’intériorité est destiné à tous les croyants qui souhaitent trouver ce lieu situé au plus intime de leurs vies cachées. Toutes et tous sont appelés à se réaliser pour ne pas suivre le destin de beaucoup comme le disait Carlo Acutis durant sa courte vie ( 1992-2006) à savoir que nous naissons tous comme des originaux pour finir souvent comme des photocopies.
Qui était André Louf ?
Il était avant tout un homme simple et modeste
bien que doté de nombreux dons d’écriture entre autres mais sans le montrer particulièrement. Habité très jeune par une foi-confiance bien trempée, il entre tôt dans l’ordre monastique des bénédictins mais son rêve, qui ne lui fût pas accordé, était d’être chartreux. Il était en effet un amoureux de la solitude ce qui lui fût finalement possible sous la forme érémitique car il vécut en ermite durant près de dix ans non loin de son abbaye. Parallèlement, il écrivait et ce don lui assura une première notoriété, sans qu’il la cherche vraiment, en devenant rédacteur régulier dans une revue monastique La Cartesa Circensia.
Élu abbé de sa communauté très jeune, le Monts des Cars, à l’âge de 33 ans,
il explora toute sa vie les périples et méandres de la vie intérieure. Il était persuadé que le Christ de l’Évangile était surtout venu avant tout pour les personnes dites pécheresses et non pas pour ce que l’on nomme les justes. Puis il se rapprocha de l’orthodoxie sans s’y rattacher car il demeura toujours un homme de la spiritualité occidentale. Un séjour au Mont Athos lui permit de rentrer dans l’intimité de la spiritualité de l’église d’Orient qui marqua sa vie. En ce sens il resta le témoin non pas d’une unité illusoire des occidents et orients chrétiens mais de leur unité au-delà des formes instituées. Assez peu connu, il est à la fois une figure décalée, originale et surtout très profonde de ce qu’il appelait la liturgie du cœur, une sorte de petit guide vie au quotidien. Cela lui donne une étonnante modernité car en toute simplicité, il peut ouvrir les grandes portes à toutes et tous, à ceux qui sont en quête de sens à leurs vies. Et ils sont bien nombreux.
Comment vivre l’intériorité au quotidien
Notre monde est habité par des angoisses latentes individuelles ou collectives. Le contexte géopolitique est incertain. Les lendemains déchantent surtout pour les générations qui entrent dans la vie active ou le plus souvent inactive vu l’incertitude des emplois. Et surtout apparaît une quête du sens.
À quoi je sers ? Quel est le sens de ma vie ? etc.
d’où la prolifération des sectes, des prêts à croire, et le recours à des spiritualités lointaines censées répondre à ces questions. André Louf, à travers sa propre expérience, nous propose quelques balises simples et tout d’abord une prise de conscience personnelle voire collective, un dépassement des morales et des dogmes. Quel est le sens de nos vies ? S’agiter toujours plus, fuir dans un activisme soit professionnel, soit, le temps de la retraite venue, s’endormir dans une inactivité mortifère ? Ou au contraire s’inventer des travaux multiples pour masquer le vide ? Ou alors explorer un ultime chemin, s’ouvrir à la plus belle des aventures, celle de l’intériorité qu’évoquait le début de cette chronique ?
Nous en reparlerons dans les prochaines chroniques pour traiter de points voire de méthodes pour que ce temps de l’éveil spirituel voie le jour. Il se pourrait alors que des oasis d’humanité s’égrènent tout au long du monde.
Gérard Emmanuel Fomerand
Si cet article vous plait, pensez à faire un don. Le fonctionnement du site a un coût. Il n’y a pas de publicité.
Vous avez un bouton « don » sur le côté. Merci de votre participation quel que soit le montant