André Cognard débute à l’âge de 12 ans, le judo, le karaté et l’aikido. A 19 ans il rencontre Kobayashi Hirokazu (1929 – 1998), élève direct du fondateur de l’aikido, maitre Ueshiba Morihei (1883-1969). Il ne le quitte plus jusqu’à sa mort, vingt-cinq ans plus tard, en 1998.
Aujourd’hui il continue à développer cet enseignement au Japon et dans le monde entier au sein de Kokusai Aikido Kenshukai Kobayashi Hirokazu Ryu
En 2003, il a ouvert à Bourg-Argental dans la Loire un dojo dédié à son maitre.
Auteur de nombreux livres sur la pratique, l’éthique et l’esprit de l’aikido. Dernier ouvrage paru en 2021 aux éditions Centon L’harmonie efficace, stratégie et tactique de l’esprit.
Il existe dans notre société occidentale une survalorisation de la jeunesse et par conséquent, une dépréciation de la vieillesse. S’ajoute à cela une attitude conventionnelle qui consiste à se plaindre des maux associés à cette dernière et nous voici face à ce qui pourrait ressembler à une malédiction.
Quand j’entends des personnes geindre à propos de leurs douleurs rhumatismales, je leur dis généralement ceci : « Ne vous plaignez pas, si vous avez mal, c’est que vous êtes encore en vie » et j’ajoute généralement à l’intention de ceux qui gémissent sur leur passé en regrettant ce qu’ils faisaient alors et qu’ils ne font plus : « Il y a une manière d’éviter les inconvénients de la vieillesse, c’est de mourir jeune », « vous devriez plutôt remercier d’être encore en vie ».
Ensuite je leur demande de réfléchir à ce dont ils sont capables à présent et qu’ils ne pouvaient pas faire à vingt ans.
La vieillesse n’est pas un handicap, c’est une chance et un super pouvoir.
J’ai eu vingt ans, j’en ai 47 de plus. À vingt ans, j’étais déjà professeur d’arts martiaux mais ce que je faisais alors au dojo me paraît complètement dépassé. Je suis plus efficace aujourd’hui, plus rapide, plus précis. À vingt ans et même à trente, j’aurais été incapable de faire face à quatre attaquants armés d’un sabre, ce dont je suis capable aujourd’hui. J’ai très vite appris que la force physique n’est rien en comparaison de celle du ki. Qu’est-ce que le ki ? L’union d’une forte détermination avec la capacité d’user d’un influx nerveux exceptionnel, lequel provient d’une absence de doute quant à sa légitimité.
Mais cette détermination est pour beaucoup fragilisée par les a priori communs à propos de l’âge. L’utilisation du ki implique une bonne maîtrise de sa pensée. Le mental peut être votre allié ou votre pire ennemi. Il est toujours votre ennemi quand il est contrôlé par un collectif indéfini. Les doutes d’autrui sont un poison violent pour la confiance en soi dont se nourrit la détermination.
Il ne faut surtout pas laisser notre quotidien entre les mains d’une société qui considère la vieillesse comme l’antichambre de la mort. Il ne faut surtout pas rentrer dans le rang des futurs grabataires. C’est à chacun de nous de décider qui il est et qui il veut devenir. La vieillesse est un avantage quand on veut prendre une position peu commune. Un jeune qui revendique une originalité particulière s’entend vite dire : « Attends quelques années, tu verras bien » sous-entendu, « tu rentreras dans le rang du commun des vieux ». C’est ce type d’attitude qui construit la thématique du vieux con, et c’est justifié car cette sorte de réponse tue les rêves du jeune. Que peut-on faire de pire que d’empêcher l’autre de rêver ? Mais c’est ce qui nous arrive dès lors que l’on atteint un âge qui ne nous permet plus de revendiquer nos rêves car nous n’avons plus l’argument du temps qui nous reste pour les réaliser.
À partir de la soixantaine, les courriers affluent pour nous vendre des douches adaptées, des baignoires avec porte, des monte-escaliers, des séminaires pour ne pas déprimer, etc.
Ainsi, nous serions déjà assignés à une place dans la société dont la caractéristique principale s’élabore autour d’incapacités présumées.
Prêtez l’oreille à cela et vous venez de recevoir le premier coup, la première blessure qui va doucement s’aggraver. La terminologie employée pour parler de notre condition supposée est éloquente : seniors ! Ridicule, on a même peur des mots. Pourquoi ne pas dire « les vieux » tout simplement ?
Il y a aussi le fait d’être retraités ! Votre statut social s’effondre avec cet abandon de l’activité professionnelle. Vous êtes à la charge du collectif et l’on a tendance à oublier que l’argent que l’on vous reverse n’est que la moitié de ce que vous avez-vous-mêmes versé. J’ose affirmer que je ne me suis retiré de rien. Je ne bats jamais en retraite. Et je travaille bénévolement encore plus que lorsque j’étais payé pour le faire.
On peut travailler au troisième âge et même au quatrième !
Alors, à vingt ans, c’est l’âge d’or, à quarante, on quitte la jeunesse et l’on est déjà sur la pente savonneuse, à soixante, la vie s’étiole et l’on se dirige doucement vers la tombe. À quatre-vingt, on est en sursis, un sursis supposé très bref.
Une société qui n’a pas le courage d’objectiver le vieillissement comme naturel est malade. Tous ces mots inventés pour ne pas dire simplement ce qui est ont un objectif unique : la société, ce collectif indéfini ne veut pas vieillir. Le jeunisme consiste à prétendre à l’immortalité du je collectif.
Ce n’est pas très étonnant quand autant de menaces pèsent sur l’humanité.
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Pour lire l’article REFLETS n°43 pages 28 à 30