Accompagnatrice de la fin de vie indépendante depuis plus de 10 ans. De confession musulmane, membre de la confrérie soufie Alawiyya, elle suit l’enseignement du cheikh Khaled Bentounès, qui porte inlassablement dans le monde le message du vivre ensemble en paix.
Pourriez-vous nous dire en quoi consiste votre activité ?
J’accompagne à domicile des personnes en fin de vie, essentiellement des personnes âgées. J’aime le contact humain et j’ai un très bon relationnel avec les personnes âgées. Je les estime lésées en France quant à la place qui leur est accordée. Ce n’est pas du tout le cas dans la tradition algérienne dans laquelle j’ai grandi.
Vous suivez personnellement un chemin spirituel. Pourriez-vous nous dire si ce chemin vous aide dans vos accompagnements ?
Je fais partie d’une voie soufie la Tariqa Alawiyya, ayant comme Maître le Cheikh Bentounès depuis 1979. Ce chemin nous enseigne des valeurs et développe des qualités humanistes en nous. Selon l’enseignement du prophète Mohamed, il ne suffit pas d’avoir la foi, mais il faut que l’action aille de pair : le bel agir. On pense, on parle et on agit de la même façon. Je ne peux pas prétendre être complètement dans cette équation 24h sur 24, mais c’est cet enseignement que j’essaie d’appliquer quotidiennement, notamment en redonnant espoir à des personnes âgées qui sont en fin de vie. Je fais au mieux pour qu’elles soient paisibles et sereines.
Vous accompagnez des personnes âgées depuis de nombreuses années. Quel est, selon vous, l’enjeu de la vieillesse ?
Pour moi l’enjeu est d’être paisible et entouré. Le plus important pour une personne âgée en fin de vie est l’amour et l’attention qui l’entourent. Même si ce n’est pas au quotidien, car souvent les proches travaillent et sont peu disponibles; un contact humain régulier chargé de ces émotions de tendresse, d’affection, est essentiel. Les personnes âgées ont besoin de beaucoup d’écoute. Elles aiment souvent raconter leur vie. Je ne me lasse pas de les écouter, même si parfois j’entends dix fois dans la journée la même chose. Quand elles le racontent avec plaisir, on sent qu’elles revivent l’anecdote, et donc je prends tout autant de plaisir à les écouter.
Qu’avez-vous appris de ces accompagnements ?
J’ai appris le don de soi, l’écoute, une grande ouverture. J’essaie de trouver un chemin d’accès pour communiquer avec ces personnes en fonction de ce qu’elles aiment ou ont pratiqué. J’essaie de recréer avec elles de petits bonheurs quotidiens. Quand j’y arrive, en rentrant le soir, je me dis que j’ai fait quelque chose d’utile dans ma vie. C’est très gratifiant même si cela est dur physiquement et psychologiquement.
Qui sont les personnes que vous accompagnez ?
J’accompagne des personnes de tous horizons et de toutes religions. Il y a une prépondérance de personnes chrétiennes. Chez les musulmans, les parents sont gardés au domicile de leurs enfants le plus longtemps possible. C’est très mal vu et très mal vécu de laisser ses parents âgés seuls.
Pensez-vous qu’une vieillesse juste peut se préparer ?
Oui. Avoir une vie intérieure aide beaucoup. La spiritualité aide dans l’épreuve. Je constate que les personnes qui ont une vie spirituelle ou une foi traversent plus facilement l’épreuve de la vieillesse et de la fin de vie. Parfois, certaines personnes âgées ont une ouverture spirituelle sans le savoir. Mon propre ancrage spirituel m’aide beaucoup dans l’accompagnement, car cela me donne de la confiance et des repères. Même un minimum de spiritualité aide la fin de vie.
On peut se préparer par des bilans de vie réguliers et par un détachement progressif de la matière. Un sage disait : “Travaille pour ce monde comme si tu devais vivre éternellement et travaille pour l’Au-delà comme si tu devais mourir demain”.