Yves Duteil,
Respect : la voix de nos différences
Nous avons rencontré Yves Duteil chez lui. En présence de son épouse Noëlle, nous avons partagé un moment chaleureux autour d’un thé à la menthe, devant un feu de cheminée. La spiritualité a été au cœur de notre échange après avoir écouté son nouveau CD, Respect, sorti le 12 janvier dernier.
Que représente la spiritualité pour vous ?
Je crois que la pensée a un aspect biologique porté par notre cerveau, notre chair, et que l’âme est au-dessus de cela, dans le registre du sentiment, de l’émotion, qui reste encore un mystère. C’est dans cette part de mystère que je puise ma spiritualité. Dans l’intangible souveraineté de l’âme.
Avez-vous la foi ?
J’ai découvert que j’avais la foi quand Noëlle est tombée malade et que je me suis surpris à prier. Je me suis dit alors que j’avais peut-être encore un pouvoir, même si prier reste aussi un mystère. La prière s’envole, emportée par un vent inconnu. Et elle doit sans doute se poser quelque part, germer, fleurir, fructifier, à l’image du pollen. Un jour, on voit notre rêve et notre prière s’exaucer.
Vous avez rencontré aussi le bouddhisme. Quelle place a-t-il dans votre vie ?
Je ressens le bouddhisme comme une science de l’esprit. Elle est le fruit de l’expérience de penseurs qui ont essayé de modéliser spirituellement la vie et la mort sans en avoir peur parce que nous, occidentaux, nous la redoutons tellement qu’on l’occulte, nous faisons comme si elle n’existait pas. Les bouddhistes tibétains, au contraire, consacrent leur vie à essayer de mourir heureux. Cela m’a beaucoup intéressé, car comme l’a dit Gandhi, on peut commencer par changer en soi le changement que l’on veut voir dans le monde… Il faut du courage pour arriver à changer quelque chose en soi, pour se remettre en question, mieux se connaître, accepter de ne pas être parfait. Cette évolution est possible pour avancer vers une humanité plus assumée, plus consciente. Nos convictions les plus solides dans bien des domaines sont ébranlées par « quelque chose » d’inédit, non pas une crise mais un changement d’ère, une mutation de l’humanité dont la nature nous échappe encore pour l’instant.
Vous parlez souvent de la douceur. Qu’est-ce pour vous ?
Je vis la douceur comme une force intime. Et j’ai envie d’y associer la fragilité. Il ne vient à l’idée de personne de dire que la fragilité du cristal est un défaut. J’aspire à la loi du plus vulnérable parce que notre rôle est de nous protéger les uns les autres et non de nous agresser. Pour l’humanité, la plus grande évolution, ce serait de se recentrer sur l’humain. Et cette pensée bienveillante, d’humanisme, d’ouverture, de tolérance se résume en un mot : respect. C’était important à nos yeux que cet album s’appelle ainsi parce que le respect concrétise ces valeurs cardinales. C’est à la fois une ouverture et un refus. On s’affiche les deux paumes ouvertes, mais on établit aussi une distance.
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Vous avez été confronté à ce problème de fragilité face à l’approche de la mort. Avez-vous tiré quelque chose de votre expérience et de celle de votre épouse ?
Aujourd’hui les progrès de la médecine nous permettent d’espérer, de survivre. Je m’incline avec respect devant la médecine qui nous a sauvés tous les deux.
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Effleurer la mort est une leçon de vie extraordinaire. Se sentir en danger c’est aussi comprendre ce qui donne tout son prix au fait d’être en vie. J’ai du mal à croire à l’immortalité de l’homme parce qu’il lui manquerait alors l’impérieuse nécessité de réaliser quelque chose avant de quitter ce monde. La maladie nous fait toucher du doigt à quel point la vie est précieuse. Elle nous donne aussi une raison d’être. Pour nous-mêmes mais aussi pour nos proches. Si la nature nous a faits tous différents c’est peut-être parce que nous avons chacun quelque chose d’unique à apporter et qu’il n’appartient qu’à nous de le découvrir. Se poser la question, c’est déjà mettre des priorités dans sa vie. Célèbre ou anonyme, chacun peut être un pas de ce chemin.
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Respect
C’est la voix de nos différences
Nos peaux, nos races et nos croyances
Qui se réchauffent au même feu
En regardant vers d’autres cieux…
Cet album respire la bienveillance, le respect de l’autre.
Respect est aussi, à présent, un spectacle qui tourne sur les scènes de France, d’Europe et du Québec.
ET SI LA CLÉ ÉTAIT AILLEURS ?
Yves DUTEIL, éd. Médiaspaul
Pour lire l’article en entier, Reflets n° 27 pages 66 à 71