Médecin et homme politique, Xavier Emmanuelli est Président du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Depuis longtemps engagé dans des causes humanitaires, il fut cofondateur de Médecins sans Frontières, puis créateur du Samu social et International.
Pour lui est évident que les médecins retraités ont des compétences et une expérience qui pourraient être précieuses notamment pour former des jeunes aux métiers de l’accompagnement médico-psychosocial. De cette évidence il crée « Les Transmetteurs ». Xavier Emmanuelli est toujours sur le terrain, allant au bout de ses engagements, soucieux que les idées descendent bien dans le concret.
REFLETS : Comment concevez-vous le passage à la retraite ?
D’abord, le passage à la retraite, cela se prépare. Elle ne vous tombe pas brusquement du ciel. On sait des mois avant que la retraite va arriver. Ensuite la retraite va durer très longtemps. Avec tout ce qui est mis en place pour préserver la santé, par la prévention, par les soins, elle va durer des années et des années. Il faut se préparer à un temps long qu’il va falloir rendre utile et dynamique. Donc la préparation à la retraite se fait très en amont.
Comment bien vivre sa retraite ? Il me semble que vous avez employé un terme important, c’est celui de l’utilité. Est-il la clé pour bien vivre sa retraite ?
Utilité, se rendre utile, c’est presque métaphysique. Comprendre que notre furtif passage sur la terre est chargé de sens. Et donc utilité dans la mesure où on ne fait plus de la routine du quotidien. On est maintenant dans l’épanouissement de soi et l’épanouissement de soi ne se fait qu’à travers les autres. J’ai monté une association qui s’appelle « les Transmetteurs ». Les transmetteurs sont des médecins retraités qui vont synthétiser l’expérience implicite de la traversée de leur vie par l’autorité qu’ils ont eue, les postures, les paroles, les attitudes, pour pouvoir faire des formations pédagogiques.
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Et vous-même, comment vous vivez votre retraite ?
J’ai une retraite du service public, c’est vrai, mais je n’ai jamais eu de retraite ! Je n’ai cessé de mener des missions, Médecins sans frontières, SAMU Social où je n’ai jamais été rémunéré, les conférences, les cours et les formations. J’ai monté un master qui s’appelle Santé Solidarité Cité où j’ai acquis des choses, j’écris. Je ne suis pas en retraite !
Pour vous, c’est une notion qui n’existe pas encore ?
La retraite, elle a été inventée il n’y a pas longtemps. Les artisans mouraient un jour à leur établi. Tant qu’ils travaillaient, ils travaillaient. Puis un jour, ils ne pouvaient plus travailler, ils étaient morts. La retraite, c’est une protection sociale qu’on a inventée et c’est bien. Mais elle perd son sens dans la mesure où maintenant la retraite dure trente ans. Et donc, il faudrait chercher autre chose. Ce n’est pas la période de repos. On l’avait fixée à soixante ans parce que les gens prenaient la retraite et trois ou quatre ans après ils étaient morts. Avec l’allongement de la durée de la vie, les gens traînent. Et puis surtout comme ils vivent très très vieux, on voit apparaître les pathologies de l’usure. C’est une retraite qui en fin de vie tombe dans la dépendance. Donc, il faudrait peut-être revisiter ce qu’on entend par retraite.
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