Sœur Béatrice, vierge consacrée, ermite-apôtre de la paix, fondatrice de L’Arche de paix et de l’association Ya Salam !
« Allumer un foyer de paix sur les lieux d’un foyer de guerre entre les enfants d’Abraham »
Tel est mon profond désir depuis huit ans, telle est aussi la réponse que je donne à mes visiteurs deL’Arche de paix qui s’interrogent sur ma présence dans la forêt maronite de Al Qaouzah en face de Khalet Warde à 300 mètres de la frontière libano-israélo-palestinienne. Sur ce lieu de l’ « étincelle de guerre » en 2006, faire naître et incarner une « étincelle de paix ».
Sans doute beaucoup d’entre eux ont dû penser : « Parole, parole, des paroles… ce ne sont que des paroles… la « fransawiye » n’a pas vécu la guerre… elle… Nous, nous l’avons connue… ! » Et ils ont sans doute raison…
C’est à eux que je dédie ces quelques lignes, à tous ceux qui ont été mes instructeurs de ce Liban Phénix auquel je crois toujours, à tous mes amis qui depuis ces trois semaines de guerre me soutiennent et prient pour moi, et aussi à ceux qui me conjurent de fuir L’Arche de paix, quitte à abandonner tous mes animaux… pour sauver ma peau…
Puissent les événements de ce mois d’octobre 2023 me permettre de partager plus que jamais ma conviction que la Paix est plus forte que la guerre, l’Amour que la haine…
Qu’il est possible d’allumer un foyer de paix sur les lieux d’un foyer de guerre …
Mais comment ?
Le leitmotiv que notre association Ya Salam ! cherche à promouvoir, notamment à travers la zoothérapie, auprès des enfants du Sud Liban blessés par la guerre, est :
« Vivre et rayonner la paix ! »
Et c’est sur cette terre blessée depuis des décennies voire des siècles, que je découvre la Sakina ! Ce mot arabe à la sémantique si riche puise ses racines dans SaKaNa : habiter, présence, paix, refuge… « Vivre et rayonner la paix, la Sakina»
Cette Sakina, ou « inhabitation »1 de la présence de l’hôte divin au plus profond de nous, est une source divine souvent tarie par toutes les carapaces de protection et de défense que nous nous sommes mises pour survivre dans ce monde sans pitié…
Cette présence est ce germe divin qui, à travers les tremblements de terre émotionnels que nous vivons en ces temps troublés, créerait des failles dans nos cœurs de pierre. Germe divin qui émergerait enfin à la lumière et fleurirait…
Cette présence de l’hôte divin est ce feu dévorant du dieu Amour révélé à Moïse dans le buisson ardent, qui brûle sans se consumer…
Ce feu divin serait-il à l’œuvre en ces douloureux événements pour transformer « nos cœurs de pierre en cœur de chair » ? N’est-ce pas là l’alchimie divino-humaine tant attendue pour faire naître un homme nouveau ?
Qu’il est difficile de le percevoir, de le sentir tant les cœurs sont blessés et meurtris…
Pourtant plus que jamais aujourd’hui, cette expérience de guerre que je vis me confirme que quand tout s’écroule à l’extérieur, il est possible de bâtir à l’intérieur de nous. Alors :
Mon ESPÉRANCE en cette source divine en moi me donne la force d’allumer ce foyer de paix pour éteindre le feu des roquettes qui survolent mon Arche de paix.
Ma FOI en ce germe divin émergeant en moi m’a permis de vivre le tremblement de terre de trois obus qui se sont abattus cette semaine à quelques mètres de moi, endommageant un des ermitages, la citerne d’eau et la tente d’accueil de la Sakina.
Mon AMOUR INCONDITIONNEL pour ce feu divin me permet de continuer, depuis le refuge de son arche, à aimer, à bénir à m’émerveiller de tout le vivant qui m’entoure :
le calme de Cassien le dromadaire regardant passer au-dessus de lui les roquettes tout en ruminant me fascine, la liberté de Shema le lapin dont l’enclos a été bombardé me ravit, la confiance de Noé le chat-sphynx qui vient se blottir sous mon châle quand il entend un avion de guerre ou une déflagration m’attendrit, et enfin, l’anxiété de Joss, mon chien de garde qui ne me quitte plus d’une semelle, est aussi un miroir pour moi qui sens mon estomac se nouer chaque après-midi, à l’heure où approchent les bombardements…
A tour de rôle nous sommes contagieux de paix… Et c’est une conquête !
C’est ce chemin vers la paix intérieure – parcouru à chaque instant vers une réconciliation avec moi, avec le Seigneur, « plus intime que l’intime de moi-même », dit saint Augustin, avec tous mes frères et tout le vivant – qui me permet depuis mon ermitage et à ma mesure, de vivre et rayonner la paix Sakina au Liban et au Proche-Orient.
Pour lire l’article en entier REFLETS n°50 pages 11 à 13
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