Nous sommes cinq personnes âgées qui vivons depuis plus de trois ans dans une maison achetée en commun. Qu’est-ce qui pousse des femmes de plus de 70 ans à lâcher tous leurs repères, vendre leur maison, s’éloigner de leur milieu familial et amical pour avoir l’audace de vivre ensemble la dernière étape de leur existence ?
Est-ce le désir d’être responsables de leur vie jusqu’à la fin, de s’entraider dans les difficultés de la vieillesse, de partager ce qu’elles possèdent pour vivre mieux ?
La réponse est « oui ». Et, pour moi, l’intime conviction que c’est ce que la vie attend de moi. Le sentiment que j’ai une dette à honorer. Qu’après avoir tant reçu il me faut donnerà mon tour. Dans les épreuves que la vie m’a réservées, j’aivécu la solitude et j’ai appris à me nourrir avec de toutespetites choses. Je ne les aurais peut-être pas vues dans d’autresconditions. N’est-ce pas ce qui est demandé à la vieillesse ?
Apprendre à profiter de ses pertes pour gagner ailleurs ? Alors tout naturellement mon service s’est tourné vers la vieillesse, pour tenter de redonner ce que j’avais reçu. Le premier pas a été la création de cette maison communautaire pour personnes âgées.
Vivre en communauté n’est pas une aventure facile. Il faut un engagement profond, une cause qui tienne vraiment à coeur. Cet engagement, nous l’avons pris sans affectif. Nous ne nous sommes pas choisies, nous avons choisi de vivre l’expérience. Nous appartenons toutes à la même recherche spirituelle. Nous connaissons les mêmes outils de transformation intérieure nous aidant à dépasser les difficultés du vivre ensemble. La communauté va nous donner la mesure de notre engagement, sans concession. Nous sommes sans cesse au pied du mur, invitées à rechoisir . Et cela nous conduit à un réengagement de plus en plus profond.
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La communauté est un miroir à plusieurs reflets de par la diversité de nos natures. C’est un face-à-face entre nos imperfections personnelles et celles des autres. Comme il est ardu d’accéder au monde de l’autre pour comprendre ce qu’il vit intérieurement ! Comme il est difficile d’affronter ce reflet de nous que nous renvoient les autres !
Au début je souffrais chaque événement comme une atteinte personnelle. Le temps m’a amenée à prendre du recul. Maintenant, quand je souffre, c’est pour la communauté. Nous sommes en route pour rejoindre l’étape suivante : seulement profiter de chaque écueil pour en faire une opportunité de grandir.
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La communauté est un organe exigeant. Elle réclame de chacune une transparence totale. Cette exigence est la porte ouverte vers la tolérance. Nous apprenons à nous livrer sans fausse pudeur, et chacune grandit en connaissance de soi et des autres. Livrer nos souffrances, entendre celles des autres, c’est cela qui nous conduit à la vraie liberté : la liberté intérieure qui nous fait renoncer à notre point de vue pour accepter celui des autres, par amour. C’est la communauté qui en bénéficie.
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Ce qui nous permet de traverser les difficultés, c’est la conviction que ce que nous vivons est une solution pour l’avenir. Les maisons de retraite pourront un jour être supplantées par des communautés probablement pluri-générationnelles, fondées sur le partage, l’entraide, le service. Et la vieillesse retrouvera alors sa dignité et sa vraie place.
Lire la totalité de l’article…REFLETS n°16 pages 27 à 30