Qui est Roger McGowen ?
Aujourd’hui âgé de 56 ans, Roger McGowen est un prisonnier afro-américain détenu depuis 1987 au Texas pour un crime qu’il n’a pas commis. Il a survécu au couloir de la mort où il est resté enfermé durant vingt-cinq ans. Il est aujourd’hui incarcéré dans la prison pour longues peines de Wynne Unit à Huntsville au Texas. Comment se fait-il qu’il soit soutenu activement par des centaines de personnes dans le monde si ce n’est qu’il a réussi à commuer l’injustice la plus sévère en amour sans condition ? La sérénité perceptible sur son visage, incarnée dans sa générosité, interroge sur la capacité de transformer le pire en meilleur dans les conditions extrêmes, inhumaines de détention.
Un enfant du ghetto
Roger est né le 23 décembre 1963 dans le Fifth Ward, le ghetto le plus dur de Houston. Peuplé de Noirs et d’Hispaniques, c’est un quartier délabré dont 62 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de criminalité est l’un des plus élevés du Texas. Roger est le septième d’une fratrie de dix enfants tous nés de père différent. Ses parents divorcent alors qu’il est encore enfant. Il s’attache très fortement à sa mère, Mary Ann McGowen, et à sa grand-mère qui aura un impact profond sur sa spiritualité. Elle lui inculque une sagesse simple et profonde. Elle le pousse à s’occuper de sa famille et, avec elle, il distribue de la confiture et du savon faits maison aux indigents tandis que les autres enfants se moquent de lui. Discret et souvent seul, c’est un enfant sage qui se tient loin des gangsters de son quartier. Dès l’âge de neuf ans, Roger commence à travailler après l’école avec son oncle qu’il aide à charger et décharger son camion remorque. Plus tard, il trouve un emploi dans un restaurant pour subvenir aux besoins de sa famille. Il démarre une formation professionnelle qu’il doit abandonner très tôt pour aider sa mère, après le décès de sa grand-mère.
Un jeune homme fidèle en toute chose
Jeune adulte, il prend sa vie en main. À l’âge de vingt-deux ans, il vit dans son propre appartement, avec sa femme et son enfant. Il travaille comme gérant d’un petit restaurant de quartier et continue à s’occuper de ses sœurs, qui habitent de l’autre côté de la ville. Un jour, victime d’une attaque cérébrale, sa mère est hospitalisée et reste dans le coma plusieurs jours. Elle en sort un bref instant alors que Roger prie à son chevet. Elle lui demande alors de veiller sur son frère aîné Charles, avant de retomber définitivement dans le coma et de décéder. Fort de cette promesse, Roger s’efforce de sortir de la spirale de la délinquance ce grand frère qu’il admire tant depuis sa plus tendre enfance. Mais les gangs et les caïds sont les plus tenaces.
La fausse confession
Le 29 avril 1986, des policiers frappent à la porte de l’appartement de Roger et le mettent en état d’arrestation. Un témoin a relevé le numéro des plaques d’immatriculation de sa voiture que son frère et son cousin lui ont empruntée la veille pour perpétrer un hold-up dans un bar. Plus grave encore, lors de ce braquage, la tenancière du bar a été tuée. Après avoir été « cuisiné » pendant six heures par les policiers, Roger, convaincu que le meurtrier est son frère, se laisse accuser pour le protéger. Avec un casier judiciaire vierge et un alibi, il pense que les preuves suffiront pour prouver son innocence lors du procès. À cette période, il passe par une phase dépressive à cause de la mort de sa mère : « Je me fichais de ce qui pouvait bien m’arriver. J’avais l’impression d’avoir le poids du monde entier sur mes épaules… Je pensais que peut-être, par mon sacrifice, je pourrais montrer à mon frère combien je l’aimais et que je le conduirais à changer de vie. »
Mais Roger est défendu par un avocat commis d’office, alcoolique notoire qui ne prépare pas sa plaidoirie, et au dernier moment se base sur le rapport de police sans vérifier son alibi. Son procès est entaché de graves irrégularités : le procureur contacte en prison un repris de justice connu des services de police, qui accepte, contre une réduction de peine, d’inventer des hold-up qu’il aurait commis avec Roger. Ces mœurs judiciaires sont hélas monnaie courante, surtout si l’accusé est noir et pauvre. Roger fait appel afin d’obtenir un autre procès. Sans résultat.
En mai 1987, à l’âge de vingt-quatre ans, il est condamné à mort par la cour du comté de Harris à Houston au Texas. Peu de temps après son incarcération, il apprend la mort de son frère dans un hold-up. Roger avait cru qu’en endossant le crime de son frère, il allait l’aider à retrouver le droit chemin. Son sacrifice a donc été inutile.
Pour lire l’article en entier, REFLETS 36 pages 24 à 27