Interview de Fréderic Vidal, fondateur et porte-parole Solaris
Le réseau Solaris France est un « Internet Humain » gratuit d’entraide et de solidarité qui commence dans le voisinage direct. Il fonctionne en arborescence au sein d’un maillage physique de toutes les personnes qui s’y joignent. Plus le maillage est étroit, mieux il fonctionne. Dans les temps difficiles que nous vivons, il va permettre de ne laisser personne demeurer isolé face à ses problèmes. Il se pourvoie de ses propres moyens de communication en cas de rupture des moyens traditionnels, et fonctionne organiquement grâce à une bonne circulation de l’information, sans hiérarchie, sans chef. La géographie de chaque territoire est maillée par des cellules qui se multiplient sans cesse, comme peuvent le faire les cellules du corps humain, pourvues de coordinateurs. Ces cellules ont une vision d’ensemble de la cellule géographique et veillent à son bon fonctionnement et des référents sont dépositaires de l’annuaire local. Chaque cellule est autonome, sans hiérarchie et reliée aux autres. Le système n’est pas basé sur l’échange commercial, ni sur le troc direct, ni même sur l’idée d’un échange de service. Il est basé sur la bienveillance envers chacun, et ce qui est donné à un endroit sera toujours rendu ailleurs en cas de besoin. Les fondateurs ne sont affiliés à aucune structure politique, religieuse ou autre, ni aucune société secrète. Ils ne reçoivent aucune rémunération, ni aucun avantage d’aucune manière de qui que ce soit. Créée en septembre 2021, Solaris s’étend très vite dans toute la France dans les semaines qui suivent, puis en Europe et dans d’autres pays. En seulement 9 mois, le réseau gagne 25 pays avec plus de 50 000 membres en France et 12 000 à l’étranger.
De Rennes-le-Château dans la haute vallée de l’Aude, Fréderic Vidal est à l’origine de cette inspiration qui invente une nouvelle solidarité. Surpris par l’ampleur du mouvement, il consacre bénévolement tout son temps au développement du réseau. En l’écoutant se livrer avec passion sur son action avec Solaris et son espérance en l’avenir, cet homme d’une grande transparence donne le sentiment d’être à sa place sur Terre, au service des autres. « Je suis étonné d’être acteur tout en me sentant au rendez-vous », souligne-t-il.
Quelle expérience vivez-vous avec Solaris ?
Je pressentais les temps à venir, avec une nécessité d’une nouvelle manière de vivre et de se relier à l’autre. J’ai compris avec le premier confinement que l’heure était venue tout en sachant que c’était mûr dans ma région ; la surprise a été que cela le soit partout. Nous avons dû créer une logistique et des supports, site web, tutoriels et assumer ce travail gigantesque depuis le 25 septembre dernier ; les demandes qui ne cessent pas, comme dernièrement la République tchèque. La Nouvelle Zélande, à l’autre bout du monde, a un réseau Solaris. Un réseau russe, et un autre, américain, se préparent. Mon fonctionnement personnel est basé sur l’observation afin de tisser des liens qui me donnent des axes. Nous avons compris avec d’autres associations, comme Réinfocovid de Louis Fouché, l’importance du maillage physique sur le terrain, véritable travail de fourmis sur tout le territoire jusqu’au fin fond des campagnes. J’ai imaginé dans Solaris le concept des tisseurs qui repèrent les autres réseaux pour créer des liens, en plus des coordinateurs de cellules qui s’adaptent en fonction du rural ou de l’urbain. Nous avons créé un réseau sans hiérarchie, mais le formatage de l’être humain fait qu’il tente souvent de la reproduire ou de l’attendre. Un travail intéressant vers plus de souveraineté est nécessaire pour les membres qui doivent dépasser leurs programmations habituelles. Je leur propose de ne pas laisser la personne se débrouiller toute seule et cela se passe plutôt bien. La charte et l’esprit Solaris doivent être respectés, avec en corollaire aucune transaction commerciale, ni échange ni troc. L’important est de donner sans rien attendre, pour aller plus loin dans la reliance humaine et en cas de besoin, ce sera à notre tour de recevoir. Il s’agit de poser des connexions bienveillantes entre les gens. Des personnes découvrent leurs compétences cachées et prennent confiance. Ils gagnent ainsi dans leur vie en souveraineté, un mot sur lequel j’insiste souvent, et certains dépassent leur histoire personnelle pour se revaloriser et se requalifier. Le concept du réseau est pensé aussi sous cet aspect.
Quelles sont les actions concrètes existantes dans Solaris ?
Solaris, c’est donner un outil concret à l’homme pour concrétiser la solidarité. Malgré les querelles de villages, cela existait autrefois. Les agriculteurs connaissent ce fonctionnement. Nous avons maintenant un moyen technique, fractal sur le terrain, qui permet les reliances, exactement comme l’internet mais dans l’humain. Le système d’annuaire et le maillage des réseaux entre eux, avec tous leurs domaines d’expertise, permettent de répondre à n’importe quelle demande. L’idée est de rendre le service soi-même. Des ateliers sont créés pour des partages de savoir, un réseau radio existe, une cartographie des cellules a été réalisée grâce à la spontanéité des gens. L’approche survivaliste liée aux risques climatiques, d’effondrement sociétal ou de catastrophes naturelles est pour le court terme, l’idée est l’avenir après la tempête comme le marin qui passe le cap Horn. Dans ce contexte solidaire, il sera nécessaire que cette population soit reconnue et pose sa légitimité encadrée par l’Etat de droit. Nous travaillons aussi en ce sens, pour que cette population croissante, qui désire à présent vivre autrement que ce qu’on veut lui imposer par la force, ait cette légitimité, sans tomber surtout dans le piège des révolutions et de la violence. Le grand appel fait le 15 juin 2022 est basé sur l’intelligence collective du cœur, non connue par le monde politique.
Quelles espérances pour le futur de la société et du réseau ?
Je suis totalement convaincu que l’homme est particulièrement bienveillant, bon et fraternel envers l’autre ; c’est juste une société déviante qui l’a amené à être défiant et agressif. Dans les difficultés, ce n’est qu’une minorité qui réagit égoïstement, la majorité vient en aide à son voisin. Dans un lendemain très proche, quand il y aura un dysfonctionnement des services d’Etat et des services privés, nous pourrons répondre sur le terrain à la plupart des besoins essentiels des gens, avec l’apport d’un collectif protégeant les plus vulnérables. Un exemple : la garde d’enfants à la rentrée scolaire liée aux décisions politiques. La priorité pour moi est actuellement le maillage des réseaux et ma vision reste fixée au-delà de la tempête ; il faut aujourd’hui poser les jalons pour demain. A court terme, dans ce désordre, il est nécessaire d’avoir des réponses efficaces et rapides, même si nous savons qu’en ville, d’après nos retours dans Solaris, ce sera plus compliqué. A plus long terme, c’est poser des fondations concrètes sur le terrain, comme le font aussi d’autres associations pour un monde relié et bienveillant. Car nous mettons de la confiance là où il y a de la défiance, de la souveraineté là où il y a de la perte d’identité organisée, et cela va même jusqu’à la confusion des genres. Je ne vois pas d’autres voies même si cela ne plaît pas aux politiques. Cela passe par la confiance dans les compétences des autres, et elle se mérite car la personne doit assumer les responsabilités qui lui sont confiées. La transmission du savoir et le partage sont capitaux, là où aujourd’hui existe une thésaurisation du savoir et de la compétition. Historiquement, ce sont les minorités qui ont changé le monde. Un scientifique, intéressé par nos concepts, m’a expliqué qu’une masse critique de 5 % de personnes dans une société changeait les choses. En France, ce serait 2,5 millions de personnes, et je suis certain que d’ici la fin de l’année, ce sera le nombre dans tous les réseaux. J’ai le sentiment qu’un ancien monde va mourir petit à petit, non sans chaos, mais comme un lit de rivière peut s’assécher. Si certaines personnes ont envie de transhumanisme, c’est leur choix, je ne souhaite pas convaincre. Continuer à bâtir par la valeur de l’exemple sans rentrer en confrontation ni faire de prosélytisme est, selon moi, la voie juste.
solaris-france.org. Ou sur Telegram : https://t.me/solaris_france
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Cette publication a un commentaire
je suis dans un réseau Solaris dans le grand Est depuis le début de Solaris et cela change vraiment le quotidien.
quelle joie de se retrouver tous ensemble, quelle joie de filer un coup de main ensemble ici ou là, c’est un bonheur d’apprendre ensemble des nouveaux savoirs-faire et de nouveaux savoirs-être; c’est une richesse de voir tant de différences s’unir pour le bien de tous 😃
Solaris est vraiment une excellente idée, Frédéric !
merci.
doris