Le canadien Guy Corneau est psychanalyste jungien et auteur de six bestsellers traduits en plusieurs langues. Personnalité médiatique, il co-anime en tant que spécialiste plusieurs émissions télé et radio au Québec. Il a fondé Réseau Hommes et Réseau Femmes, regroupements d’entraide dont la formule s’est répandue dans plusieurs pays francophones. Atteint d’un cancer dont il s’est remis, il a considérablement changé son mode de vie, développant ses facultés créatrices. Depuis, il est devenu metteur en scène et acteur.
Guy Corneau, qu’est-ce qui vous est arrivé ?
J’avais un cancer du système lymphatique, du système immunitaire touchant l’estomac, la rate et les deux poumons. Il était très avancé, un grade 4, donc potentiellement un cancer terminal. Bien sûr, j’ai écouté chaque partie de mon corps. En fait j’écoutais ce que je n’avais pas pu intégrer, autant les blessures de l’enfance, les dévalorisations, les humiliations que des blessures plus récentes au niveau de l’amour. Pendant longtemps j’ai eu une colite ulcéreuse que je n’ai plus du tout. Le colon, c’est la dernière partie du corps où on intègre encore les nutriments et puis on rejette le reste. Là aussi, je ne pouvais ni intégrer certains éléments, ni les rejeter. Alors cela crée des états de colite, beaucoup de colères, d’angoisses, de rage même. Il y a toujours un aspect symbolique au corps et c’est intéressant d’y réfléchir.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis ?
J’ai toujours été passionné par le théâtre, la musique, l’art, l’expression artistique et je me suis rendu compte que j’avais vraiment négligé ces aspects de ma personne à cause de ma carrière professionnelle de psychanalyste. J’ai donc vraiment tenté de réintégrer tout cela.
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Maintenant, j’ai le loisir ou le luxe d’aller vraiment vers moi-même. Je suis content de répondre à ma créativité et c’est ce qui m’apporte la santé.
Quel enseignement tirez-vous de votre cancer pour la société ?
Le cancer n’est plus individuel, c’est actuellement une épidémie. Dans son livre Anticancer, mon ami David Servan- Schreiber en parle comme d’une maladie du style de vie, une vie qui va trop vite, où il y a trop de stress, où on mange mal, où on ne fait pas d’exercice. Je suis assez d’accord avec lui. Il aurait pu ajouter que c’est une maladie du style de vie intérieure aussi. Elle a trait à notre façon de gérer nos émotions, d’être toujours pris dans les mêmes mécanismes. Dans notre société, cette épidémie de cancers nous parle d’une division d’avec la vie, de nous-mêmes. C’est-à-dire que chaque personne qui a le cancer doit retrouver son ressenti réel, se mettre à son écoute et faire les changements nécessaires pour gagner en sérénité ; mais en tant que société, cette épidémie vient nous dire que l’on s’est trop éloigné de ce qui est bon pour les êtres humains, à savoir la convivialité, l’entraide, la collaboration, et pas l’argent, la compétition, la comparaison. Je suis persuadé que ces grandes maladies qui nous traversent nous invitent à retrouver l’essentiel en nous. Même chose pour l’épidémie du sida qui a permis de considérer les homosexuels autrement. Quelques-uns de mes patients en sont morts et j’ai été très touché par les bouleversements que cela a apportés à des familles entières. Souvent conservatrices, face à la perspective de la mort d’un de leurs membres, ces familles ont choisi l’amour et la paix. Ces grandes maladies servent à ré-ouvrir le cœur humain ou du moins, il s’agit là de la façon la plus honorable de s’en servir.
Quel a été le rôle de la prière quand vous étiez malade ?
Je ne suis pas très religieux mais en même temps je suis inscrit dans une vie spirituelle très engagée. Je médite chaque jour. Et méditer, pour moi, c’est vraiment déguster le fait d’être, déguster en dehors de toute demande, en dehors de toute comparaison ou recherche. Cela a été extrêmement bénéfique pendant que j’étais malade. La prière, ce n’est pas celle qui demande qu’on nous prenne en charge, c’est celle qui dit : « Je suis en difficulté, je vais faire ce qu’il faut. Je reconnais les choses, je suis prêt à faire des changements. Ma demande au fond, ce n’est pas une guérison, c’est un accompagnement, alors que l’univers ou les forces bénéfiques de l’univers m’accompagnent. » Cela me semble la prière juste. C’est celle qui dit que je suis un petit peu à côté de moi-même et que je suis prêt à me responsabiliser, à me découvrir plus créatif, plus créateur par rapport à ma vie. Et j’ai besoin d’un accompagnement pour y arriver, c’est-à-dire d’un apport des forces plus lumineuses de l’univers. On peut l’appeler Dieu, Jésus, Bouddha…comme on veut, mais pour moi il s’agit de s’éveiller à nos propres capacités en demandant un accompagnement qui le permet.
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