Reportage à la communauté des Petites Sœurs Disciples de l’Agneau
À la périphérie de la ville de Le Blanc, dans la région Centre, se trouve une communauté religieuse exceptionnelle. Elle accueille des jeunes filles atteintes de trisomie 21 qui ont une vocation religieuse. Ce cas est unique. Il est dû à la persévérance de sa fondatrice, sœur Line.
Dès le portail franchi, s’ouvre un vaste domaine, bien entretenu, avec plusieurs bâtiments en parfait état, une jolie chapelle conçue selon les souhaits de sœur Line. Celle-ci nous accueille, accompagnée de sœur Florence.
Comment avez-vous commencé ?
J’étais une laïque, permanente à la catéchèse à Bourges puis à Tours.
J’avais un désir de vie religieuse en souhaitant me consacrer aux petits, aux handicapés. Je me suis rendu compte qu’ils n’avaient pas une vraie place dans les communautés. J’ai rencontré Véronique qui avait 22 ans. Elle cherchait cette vie communautaire religieuse mais était refusée à cause de sa trisomie. Alors j’ai décidé de l’aider à réaliser sa vocation et la mienne. Ce fut la rencontre de ces deux vocations qui a permis de commencer la communauté en 1985. Véronique était comme une lumière qu’il fallait aider à briller. Sœur Chantal a été détachée pour nous rejoindre.
Nous avons dû travailler,
sœur Chantal auprès d’un médecin et moi auprès de personnes âgées.
Au bout de cinq ans
est venue la petite sœur Marie- Ange, trisomique, qui est maintenant décédée. Elle était venue avec nous à Lourdes. Là, elle nous a annoncé qu’elle voulait suivre Jésus. Ses parents ont accepté. Les parents sont toujours inquiets pour l’avenir de leurs enfants handicapés.
Elle a marqué son passage, semble-t-il ?
Marie-Ange est restée 33 ans avec nous, une petite sœur extraordinaire ! Elle avait toujours une petite phrase pour booster notre journée. Elle avait vraiment un regard que l’on n’oublie pas. Elle avait toujours le désir du ciel, toujours le sourire. Elle avait une cardiopathie. Pendant quatre ans, elle a vécu avec de l’oxygène, jour et nuit. Ses derniers mots furent : « Ma petite Mère que j’aime tant ! » Puis elle a dit avec un grand sourire : « Ça fait du bien de se reposer un petit peu ». Et elle est partie.
La communauté s’est agrandie ?
Marie-Ange est entrée en 1987. Ensuite, est arrivée Emmanuelle. Et puis, il y a eu notre petite sœur Géraldine. Quand on a commencé à Buxeuil, tout le monde disait que nous étions folles. On nous disait que ça allait abaisser la vie religieuse.
Nous avons eu un passage des services sociaux.
Un matin, en sortant les poubelles, une enquêtrice était à la porte. Elle est restée toute la matinée et nous a dit qu’elle reviendrait avec son directeur. Ils sont revenus et le directeur a dit : « Si dans tous les centres où je vais, je repartais en voyant tout ce que je vois, je serais
heureux ». Il avait trouvé des personnes handicapées heureuses.
Je suis allée voir Mgr Honoré
en lui demandant s’il ne pouvait pas nous faire une première reconnaissance
comme toute première reconnaissance de communauté, c’est-à-dire d’association de fidèles laïcs. Il a plaidé pour nous à Rome et nous l’avons eue.
Il nous disait qu’il fallait absolument que nous ayons une demeure.
On a pu acheter cette maison grâce à des gens qui nous ont aidées par des dons. Nous sommes arrivées ici en 1995. À l’époque, tout était couvert d’épines. On a tout défriché.
Notre arrivée a été difficile.
Les gens disaient que l’on était une secte. On n’était pas habillées en religieuses, on était habillées comme tout le monde. On était une
association de fidèles laïcs. L’évêque de Bourges a été épatant pour nous. D’ailleurs, quand il a su que l’on avait trouvé cette maison, il est venu nous voir en Touraine et nous a réservé un accueil merveilleux. Il nous a dit qu’il reviendrait dans un mois pour faire taire un peu les gens. C’est Mgr Plateau qui nous a reconnues comme institut de vie contemplative en 1999. On bousculait le monde et on bousculait l’Église. Notre mission est de prier pour le monde.
Et vous, sœur Florence, quand êtes-vous arrivée ?
Je suis arrivée le 6 janvier 2015. Il y a une petite sœur valide Rose-Claire qui est décédée à 26 ans ici. J’ai reçu une image d’elle par le biais de quelqu’un qui connaissait cette communauté. Quand j’ai vu cette image, j’ai tout de suite su que c’était là où je devais aller.
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Actuellement, il y a combien de sœurs trisomiques ?
Il y en avait 8 avec Marie-Ange, maintenant, il y en a 7. Il y a Emmanuelle, Géraldine, Morgane, Camille, Anne-Sophie, Anne et Véronique.
Comment s’organise votre vie ?
C’est tout simple.
La journée commence toujours par le petit-déjeuner, ce qui ne se fait pas dans les autres communautés (ils vont à la chapelle avant). Pour nos petites sœurs, c’est important qu’elles aient mangé avant.
Le petit-déjeuner est à 7 heures.
L’Église a demandé que notre rythme soit adapté du fait du handicap. Cette fondation a été faite pour elles. Les sœurs valides se mettent à l’école des sœurs trisomiques.
À 8 heures ou 8 heures et quart, il y a les laudes.
C’est plus souple pour nous que dans les autres communautés.Ensuite, il y a le travail de communauté. Chacune a son service. Les unes
sont au jardin, d’autres à la lingerie, à la cuisine, au ménage. Tout au long de la journée il y a des oraisons à la chapelle, à des heures qu’elles ont choisies.
Le temps dépend de chacune.
Certaines lisent l’Évangile. Elles recopient la Bible. Elles connaissent tous les personnages de la Bible.
À midi, c’est le déjeuner.
Puis les petites sœurs vont dans leur cellule. Comme on est toujours ensemble, il faut qu’il y ait un temps de séparation.
À 15 heures, il y a le chapelet à la chapelle.
L’après-midi, on a l’atelier tissage, un jardin médicinal.
L’été on fait les tisanes. On s’occupe des plantes aromatiques et tout le monde participe. Pour les plantes médicinales, on a passé nos diplômes d’herboristerie à l’école européenne en Belgique. Il y a une sœur trisomique qui a passé un diplôme de gemmothérapie. Pour l’hiver, on a des métiers à tisser. On
a aussi commencé de la poterie. Dans la peinture comme dans le tricot, elles savent mélanger les couleurs, dans le tissage aussi.
Une des qualités qu’elles ont, c’est que quand quelqu’un est malade, elles savent très bien s’en occuper. Pour elles-mêmes, non.
Les vêpres sont à 18 heures.
Ensuite, il y a un temps de récréation.
Après le dîner vers 20 h 30, c’est complies.
Pour les messes, le prêtre de la paroisse vient une à deux fois par semaine.
Vous arrivez à « tourner » financièrement avec votre travail ?
Il faut quand même faire attention. On a les dons. On vend nos plantes à l’artisanat monastique. Avec les plantes médicinales, on fabrique des tisanes en infusettes ce qui plaît mieux que les herbes en vrac. On a trouvé juste à côté un monsieur qui s’est dit qu’il ne pouvait pas faire autrement que de nous aider : il nous a donné une machine qu’il avait en sa possession et qu’il a adaptée. Souvent, dans les sachets, les plantes sont broyées et nous, on ne veut pas de cela car au niveau des huiles essentielles, il n’y a plus rien. Nous cultivons de la marjolaine, menthe, sarriette, tilleul…
Au début, vous vous disiez que vous étiez folles de démarrer ça. Est-ce que la vie religieuse communautaire donne une ouverture
particulière aux sœurs trisomiques ?
On s’imagine qu’elles sont très limitées, c’est vrai au niveau intellectuel. Mais pour tout ce qui est religieux, spirituel, elles ne sont pas handicapées. Elles connaissent la Bible par cœur. Elles sont enseignées directement par Dieu.
Pour lire l’article en entier, Reflets n° 45 pages 68 à 73
Site internet : www.les-petites-soeurs-disciples-de-lagneau.com