En ce moment, la liberté d’expression est mise à mal, dans le monde comme en France
En ce moment, la liberté d’expression est mise à mal, dans le monde comme en France. Nous constatons les entraves à dénoncer les pratiques douteuses, qu’elles soient économiques, financières ou politiques. Nous déplorons les excès dans l’usage de cette liberté – surtout sur les réseaux sociaux – excitant la colère, la haine, le désir de vengeance. Mensonges et vérités sont utilisés sans distinction.
Une lectrice nous a adressé une lettre relatant des faits qui l’ont interpellée, désireuse de connaître notre point de vue sur la liberté d’expression. Nous n’avons pas vocation à donner un enseignement général, notre réponse ne concerne donc que l’équipe Reflets. Nous donnons la parole à d’autres pour confronter différents points de vue et ouvrir ainsi la réflexion. Cela fait partie de notre éthique.
Notre lectrice explique que dans sa petite ville, au mois de novembre, elle découvre une affiche de deux mètres de haut représentant une photo de musulmans en prière. Dans la partie inférieure, se lit un tag en grosses lettres noires : LES CONS ! Aussitôt, elle demande à la mairie le retrait de cette affiche qui reste cependant encore quatre jours à la vue des passants.
Effectivement, nous partageons l’indignation de notre lectrice. C’est l’occasion de nous interroger sur la liberté d’expression de Reflets.
Que nous dit ce fait divers ?
Rappelons qu’en novembre précisément le professeur Samuel Paty était assassiné suite à la republication des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo.
D’un côté, la souffrance de musulmans essayant de réhabiliter leur pratique religieuse, la prière symbolisant une activité de paix. De l’autre côté, le tag nous parle de la souffrance de quelqu’un se jugeant supérieur par sa condamnation de la foi islamique.
Nous ne pouvons qu’exprimer notre miséricorde pour ces deux camps antagonistes. Ce geste ne fait qu’augmenter les souffrances. La « connerie » de la religion contre la « connerie » de croire à la supériorité de l’athéisme. Encore plus de violence en perspective. Nous comprenons la souffrance des musulmans symbolisés dans cette affiche. Nous comprenons l’exaspération de ceux qui imaginent qu’éliminer la religion musulmane mettra fin au terrorisme.
Combien il faut se sentir empêché de vivre pour ne pas donner aux autres le droit de vivre !
Alors quelle est notre approche de la liberté d’expression pour Reflets ?
Nous dénonçons parfois des faits, mais ils ne nous autorisent pas à juger les personnes, puisqu’à l’origine il y a toujours un blessé avec sa souffrance issue de son histoire personnelle et /ou de son histoire collective.
Par exemple, nous pouvons parler des décisions du gouvernement au sujet de la pandémie, mais nous n’assimilons pas les faits aux personnes. Nos dirigeants sont élus. Les critiquer, c’est critiquer les personnes qui ont voté pour eux.
Les condamner, c’est condamner ceux qui les supportent. Leur point de vue a autant de valeur que celui de leurs opposants. Pour chaque fait, il y a en apparence un bourreau et une victime. Derrière chaque bourreau et chaque victime, se trouve en réalité un blessé de la vie. Nous avons le choix de nous pencher sur leurs blessures ou de les ignorer.
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La liberté d’expression, qui est une conquête de la personnalité, récente (deux siècles), permet de dire du bien (sans limite) ou du mal (dans certaines limites imposées par la loi). La rédaction de Reflets a choisi de ne pas dire du mal. Car dire du mal, c’est commencer à faire du mal.
Quand nous sommes en désaccord fondamental avec un point de vue, nous n’en parlons pas. À quoi sert de parler des forces ténébreuses ? Nous préférons parler des forces lumineuses. Voir par exemple la rubrique « Nous avons aimé ». Les livres, les films que nous n’aimons pas, nous n’en parlons pas.
Prenons encore un peu plus de recul sur la liberté d’expression de Reflets.
Notre liberté consiste à choisir de louer.
Louer les humains magnifiques.
Pour lire l’article en entier REFLETS n° 39 pages 24 à 25