Mieux comprendre la bataille qui s’est engagée avec les vaccins dans la pandémie Covid-19
Yannick PLETAN a reçu son doctorat en médecine de l’université René Descartes de Paris. Il est spécialiste en pneumologie et immunologie.
Après avoir été praticien hospitalier, il est entré dans l’industrie pharmaceutique où il a travaillé à la mise au point de nombreux médicaments dans plusieurs domaines tout en enseignant la recherche clinique à l’université.
Désormais, il se consacre à aider des créateurs d’entreprises à développer des traitements innovants pour des besoins médicaux non satisfaits.
Beaucoup d’informations relatives à la prise en charge de la pandémie
nous questionnent et nous déconcertent. Depuis début 2020, il y a eu superposition de deux paroles, l’une émanant des scientifiques, l’autre des politiques. Ainsi avons-nous été embarqués malgré nous dans un flot continu d’évènements, de commentaires et d’injonctions, paraissant parfois contradictoires.
Après l’espoir que le virus recule
avec le confinement, puis avec la belle saison, puis avec certains traitements aux effets annoncés parfois à grand bruit et dans une anticipation pas toujours aussi rigoureuse qu’elle aurait dû être, est venue avec la seconde vague mondiale l’attente des vaccins.
Ceux-ci, découverts et développés dans un temps battant tous les records en la matière, arrivent, provenant de divers laboratoires avec des natures, des propriétés et des calendriers vaccinaux sensiblement différents, sans que l’on comprenne pourquoi et surtout comment se forger une opinion sur les campagnes vaccinales qui ont démarré un peu partout dans le monde, et différemment dans chaque pays.
Les questions sur leur efficacité et leur innocuité sont bien sûr au cœur de nos préoccupations au moment de nous faire vacciner. Ces incertitudes sous-tendent essentiellement la réticence d’une fraction non négligeable, quoiqu’en recul, de la population à se faire vacciner. Incertitude qui n’épargne pas les professionnels de santé eux-mêmes. Il faut bien admettre qu’une certaine pédagogie aurait été bienvenue qui aurait expliqué et rassuré.
Tout d’abord, pourquoi tant de différences entre des vaccins tous censés combattre le même virus ?
Introduite en 1760 par Jenner, la toute première vaccination
a permis deux siècles plus tard d’éradiquer la variole de la surface du globe. Pendant ces deux siècles, d’autres vaccins ont fait reculer d’autres fléaux. Tous ces vaccins ont été conçus sur un principe commun : utiliser l’agent responsable de la maladie lui-même après l’avoir tué ou inactivé, ou choisir un pathogène voisin mais inoffensif pour l’homme afin de susciter une réaction « d’immunisation » dans l’organisme qui lui confère une « mémoire immunitaire » protégeant l’individu s’il rencontre ultérieurement le pathogène correspondant.
Tous les vaccins qu’il était possible de réaliser ont été faits sur ce modèle qui mime ce que fait notre corps pour se défendre contre les agents infectieux qu’il rencontre, le plus souvent avec succès. À partir des années 1970, un tournant est pris en réponse au défi que posaient certains pathogènes qui ne se pliaient pas à cette approche, également pour améliorer la sécurité et permettre l’industrialisation à grande échelle, et enfin tenant compte des progrès de la biotechnologie qui ont étendu le champ des possibles.
Au lieu d’utiliser la totalité de l’agent infectieux,
on s’intéresse uniquement à une « sous-unité » de celui-ci, celle qui a le plus d’effet « immunogène », c’est-à-dire de capacité à entraîner une réaction vaccinale efficace. De ce fait, on construit littéralement le vaccin comme un ensemble de pièces détachées, assemblées par des techniques expertes réunissant toutes les qualités requises. On parle de « vaccins recombinés ».
Parallèlement, alors que l’on s’intéressait essentiellement aux protéines constituant une partie seulement de l’agent pathogène, virus ou bactérie, on prend désormais en compte des structures dérivées des sucres, les « polysaccharides » qui sont des constituants de la membrane protectrice de certains agents comme le pneumocoque (responsable de pneumonies parfois mortelles chez l’enfant) ou le méningocoque (agent de la méningite bactérienne).
S’ensuivent de nouveaux vaccins
qui ont fait reculer nombre de maladies infantiles. Et enfin, dans les années toutes récentes et se basant sur les progrès de la biologie moléculaire et de l’ingénierie génétique, arrive une nouvelle génération de vaccins utilisant non plus les molécules de surface des agents infectieux mais des composants génétiques de ceux-ci : l’ADN, les plasmides, voire le mRNA qui est devenu récemment populaire avec l’arrivée du vaccin de BioNTech Pfizer.