Après 15 ans de travail dans le milieu hospitalier, Natacha Vegara est devenue psycho praticienne. Formée à l’IFAPP, elle poursuit des études de psychanalyse et présente un mémoire de fin d’étude sur « les nourritures symboliques entre psyché et soma » évoquant le rapport de l’être humain avec la nourriture. Les habitudes culturelles familiales liées à l’enfance, de jeûner une journée par semaine, se poursuivent dans son quotidien. Depuis des années, Natacha ne prend ni petit-déjeuner ni déjeuner, commençant à manger à 17 h, essentiellement des fruits.
Grâce à vos recherches, que pouvez-vous dire sur le comportement de l’être humain en rapport à l’alimentation ?
Nous retrouvons, dans la pulsion orale dite « normale » ou même celle pathologique, la recherche de sécurité et de lien qui ramène à l’attachement maternel par voie régressive et aux toutes premières séquences d’alimentation depuis la naissance. D’un point de vue transgénérationnel, nos parents sont porteurs de mémoire (guerre, famine, maladie). Quand le bébé pleure ou crie, très souvent la maman éprouve la nécessité de le nourrir ou le remplir par le sein ou le biberon sans connaitre fondamentalement son vrai besoin. Elle répond à ses angoisses personnelles et transgénérationnelles, en les transmettant à l’enfant. Le pédiatre, Donald Winnicott, évoque l’attention de la mère à l’enfant dans son livre La Mère suffisamment bonne ¹ soulignant l’importance de bien sentir les besoins de l’enfant. Le bébé a surtout besoin de contact et d’amour. Une maman ayant développé sa sensorialité par un travail intérieur augmente ses capacités de perception. Dans mon cabinet, sur le sujet alimentaire, je retrouve une angoisse de mort très prégnante chez de nombreuses mères.
Quel est votre expérience du jeûne ?
En lisant L’Art de jeûner² du Dr Françoise Wilhemi de Toledo et Le Jeûne³ de Gisbert Bölling, que je recommande pour les personnes souhaitant entamer un jeûne, j’ai compris que nous pouvions vivre jusqu’à 10 semaines avec un jeûne hydrique ; au-delà s’ensuit la possibilité de mourir. Dans nos « us et coutumes » nous pensons qu’il faut manger pour vivre et c’est une croyance qui génère des peurs, accentuant l’angoisse de mort et son effet nocébo. Ma période maximum de jeune est de 10 jours, toujours en buvant beaucoup d’eau et d’infusions. La détoxination est plus probante que sur 1 jour de jeûne par semaine. Dans les deux cas, le corps exprime divers symptômes: sueurs, palpitations, vertiges, tremblements, c’est tout à fait normal, et ces signes de détox s’allègent au fil de la pratique. Un jour de jeûne hebdomadaire est un cadeau qui libère du temps pour soi et l’introspection ou la méditation. Il rend plus léger et clarifie les idées car la digestion est un processus métabolique fatiguant que l’on évite ainsi.
¹La Mère suffisamment bonne, Donald Winnicott (The good-enough mother, 1953), éditions Payot, 2006.
²L’Art de jeûner, Dr Françoise Wilhelmi de Toledo, éditions Jouvence, 2015.
³Le Jeûne, Gisbert Bölling, Broché, 2004.
Et votre expérience de pause pranique, réalisée avec Gabriel Lesquoy ?
Gabriel est expérimenté et précis dans le suivi. Ancien infirmier de métier, il vérifie pendant la pause pranique, les paramètres vitaux physiologiques: tension artérielle, fréquence cardiaque, saturation, température, glycémie… Des angoisses d’effondrement proches de l’ambiance de l’enfance sont remontées. Un sentiment d’avoir eu des carences dans la stimulation de mon corps érotique depuis bébé, me voyant dans des frustrations de non-allaitement, de non-contact corporel avec ma mère. L’accompagnateur rassure, c’est salvateur. Les réguliers ateliers apaisent et les peurs de la mort et du morcellement s’estompent. Ces pratiques apportent ce qui a manqué pour une construction harmonieuse et équilibrée de l’être. Nous avons en nous des ressources insoupçonnées et le tiers aide à les trouver. Cela ne convient sans doute pas à tous car les croyances ancrées sont souvent limitantes. Gabriel connaît des personnes qui ont arrêté de manger spontanément, sans explication et sans démarche mais qui remangent au bout d’un certain temps, rattrapées par l’anxiété de l’entourage et par le poids de la culture alimentaire. Comme si la grandeur dont on est capable nous impressionnait. Pour moi la nourriture pranique commence par le fait de manger en conscience dans une bonne ambiance. Ressentir l’énergie de l’amour et du partage est très nourrissant spirituellement. Ainsi les besoins de remplissage et de consommation diminuent et laissent de la place pour «pauser».