Votre livre Coups de sifflet nous apprend beaucoup sur la société grâce à vos recherches très précises sur l’évolution du football. Quel est le lien entre les deux ?
L’idée de départ de ce livre est : pourquoi le football, pratiqué à l’origine par l’élite des pays britanniques, est devenu très rapidement le sport le plus suivi et le plus aimé déchaînant des passions. Des industriels de la haute société britannique, à la du fin du XIXe siècle ont beaucoup investi pour son essor avec un fonctionnement en cooptation qui permet de choisir les personnes pouvant participer aux activités. Au départ, les deux sports dominants étaient le cricket et le tennis. Puis un petit groupe d’étudiants, devenus financiers, vont imposer, en dix ans, le football en le lançant grâce à des impresarios et l’aide de la presse.
Quel est l’intérêt pour la FIFA (Fédération internationale de football) et le Qatar de cette Coupe du monde 2022 ?
La FIFA est un organisme privé de passionnés du football qui en fait la promotion. Elle a conquis le monde depuis la fin des années 70 avec une alternance Europe – Amérique du Sud en terme d’organisation des Coupes du monde, le tournant étant l’élection du Brésilien João Havelange à la tête de la FIFA en 1974 avec les voix des pays du tiersmonde. L’idée était de permettre à différents pays d’organiser la compétition. En 1930, l’Uruguay, petit pays riche à l’époque, organisait la première Coupe du monde pour le centenaire de son indépendance, montrant son existence sur la scène internationale. C’est la même stratégie politique pour le Qatar, pays enrichi grâce aux rentes gazières principalement. Il y aura dans le futur une Coupe du monde en Chine, en Inde, en Australie, continuum de l’élection d’Havelange. C’est une course en avant pour développer le football dans tous les pays du monde. En Amérique du Sud, les nations sont issues d’un métissage gigantesque entre des populations européennes, amérindiennes originelles ou celles amenées par la traite négrière. Au début du XXe siècle, les élites avaient nécessité de construire de nouvelles sociétés. C’est le football en grande partie qui a été choisi culturellement pour en être le ciment. D’où l’extrême importance pour ces pays de gagner. L’Argentine, au Qatar, avec du talent mais aussi par une attitude provocatrice exacerbée, a réussi à prendre son tour.
Que dit cette dernière Coupe du monde de la société actuelle ?
Outre les affaires sur les droits de l’homme, c’est une réussite totale avec des stades pleins, une bonne logistique et un bon niveau de jeu, comme en 1970 à Mexico à contrario de celle en Italie en 1990. Des consignes ont été données pour le jeu, en autorisant une certaine violence. Les tentatives de boycottage rappellent celles de 1978 en Argentine. La génération du « baby boom » avait fait mai 68 avec un militantisme fort et des risques politiques plus importants qu’aujourd’hui. La grande conclusion est de dire que la Coupe du monde fonctionne, quoi qu’il arrive. Au-delà des vicissitudes politiques, c’est une véritable industrie culturelle qui a trouvé sa légitimité depuis 1966. La finale de 2022 avec la France a été l’événement audiovisuel le plus vu de toute l’histoire du pays malgré les dires de boycottage télévisuel d’un certain public.
Si cet article vous plait, pensez à faire un don. Le fonctionnement du site a un coût. Il n’y a pas de publicité.
Vous avez un bouton « don » sur le côté. Merci de votre participation quel que soit le montant
Pour lire l’article REFLETS n°47 pages 13 à 14