La miséricorde dans les religions monothéistes
par Marie-Dominique Mutarelli
Le concept de miséricorde n’existe pas dans le bouddhisme. Mais la compassion, étymologiquement « souffrir avec », est au cœur de cette religion : l’empathie pour la souffrance de tous les êtres vivants prônée dans le bouddhisme conduit ses adeptes à respecter concrètement toutes les formes de vie.
En revanche, le thème de la miséricorde relie les trois religions monothéistes qui toutes la considèrent comme l’un des principaux attributs de Dieu.
En hébreu et dans l’Islam, c’est la même racine sémitique, rah’amim ou rahma, qui désigne la miséricorde. Son sens premier évoque les entrailles, le sein maternel, l’utérus qui porte l’enfant en gestation.
La religion juive a été la première à recevoir la révélation de la dimension miséricordieuse de Dieu. Les récits de l’Ancien Testament témoignent de l’amour divin pour son peuple en réponse aux vicissitudes auxquelles celui-ci est soumis, et cela malgré ses trahisons. Ils évoquent ainsi très concrètement l’attachement viscéral d’un père pour ses enfants. Dieu qui a créé l’homme à son image lui demande d’être miséricordieux à son tour : « de même que moi je suis miséricordieux, soyez miséricordieux vous aussi ».
Dans le Coran, le mot miséricorde est l’un des plus utilisés pour désigner Dieu. Chaque sourate du texte sacré est introduit par la formule rituelle : « Au nom de Dieu le miséricordieux, le très miséricordieux, … ». Dieu dans sa miséricorde adresse aux hommes son message. Mais Il leur demande en contrepartie d’être miséricordieux avec leurs semblables : « soyez miséricordieux avec ceux qui sont sur terre pour que celui qui est dans les cieux soit miséricordieux avec vous ». Venir au secours de ceux qui sont dans le besoin est l’un des cinq piliers de l’Islam.
Le christianisme met, quant à lui, l’accent sur le Cœur de Dieu, non plus sur ses entrailles. Le mot latin misericordia vient de misereri (avoir pitié) et cor (cœur) : avoir le cœur plein de miséricorde c’est être compatissant, sensible au malheur d’autrui. Par tendresse pour les hommes, Dieu leur envoie son fils Jésus, pour révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. Sa vie et son enseignement fondés sur la miséricorde et l’accueil du pécheur rendent cet amour tangible.
Dans la bulle d’indiction, François appelle les chrétiens, les juifs et les musulmans à retrouver, à travers le thème de la miséricorde, la voie du dialogue et du respect mutuel. « Que cette année jubilaire, vécue dans la miséricorde, favorise la rencontre avec ces religions, … qu’elle nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre.» En février 2016, la rencontre du pape François avec le patriarche de l’Eglise orthodoxe, qui intervient après mille ans de rupture entre les Eglises catholique et orthodoxe, est elle aussi un signe de cette miséricorde vécue.