Il faudrait avoir faim pour manger.
Observons le cycle de la nourriture chez l’animal sauvage.
Quand la faim se réveille, par des signaux hormonaux, il se met en recherche de nourriture. Il mange. Arrivé à satiété, il s’arrête. Il digère. Puis il vaque à d’autres activités grâce à l’énergie produite par la nourriture ingérée. Cette énergie consommée, le besoin revient : de nouveau la faim, ainsi de suite.
Chez l’homme,
l’intelligence a permis de moins dépendre de ce cycle grâce, entre autres, au stockage. La modernité avec l’usage des conserves, du froid, de la congélation et de l’achat tout prêt, l’a éloigné de son instinct.
Manger est régi le plus souvent, dans notre société d’abondance, par des habitudes temporelles, pas par la nécessité. Nous appelons faim l’heure de passer à table, pas le besoin physiologique, seulement le besoin psychique, fréquemment compensatoire de manques.
Ce rythme faux
peut être contrebalancé par une interruption volontaire – le jeûne – qui met de la conscience sur la fonction digestive, par la privation, toute relative : est-ce que j’ai réellement faim ?
Cette coupure dans les habitudes met en route un dialogue avec le corps et au-delà un dialogue avec l’essentiel. La privation va soulever des questions en entraînant d’autres.
De quoi ai-je faim ?
Qu’est-ce qui me ferait plaisir si je ne mange pas ?
La reprise alimentaire – si elle n’est pas une brusque compensation au manque psychique – va devenir une dégustation. Déguster, c’est savourer le goût. Le goût est l’esprit de la nourriture.
Déguster c’est entrer en contact avec l’esprit de l’aliment.
Jeûner, c’est se priver pour retrouver le goût, l’esprit de la nourriture.
La privation, nous l’avons vu, va entraîner d’autres questions au-delà de l’alimentation : si je ne mange pas, de quoi j’ai envie ? Qu’est-ce qui me ferait du bien ?
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S’entame alors un dialogue non plus avec le corps mais avec l’esprit :
Qu’est-ce qui m’empêche d’être bien maintenant ?
Selon le besoin de l’instant, vont surgir les petits problèmes à résoudre ; parfois jusqu’aux grands problèmes existentiels.
Ce dialogue intérieur – situer le problème, entrevoir la solution, la mise en œuvre pour le régler – est une nourriture car il fournit l’énergie de l’acte salvateur et réjouissant.
Quand jeûner ?
Des occasions nous sont données pour rompre le faux rythme de nos habitudes sur trois échelles
– Un petit problème, une contrariété.
On dit souvent qu’elle « reste sur l’estomac ». Nous pouvons sauter un repas ou deux. L’apaisement obtenu, le repas suivant n’en aura que plus de saveur.
– Un problème de moyenne importance
va demander un dialogue intérieur plus approfondi. Le jeûne alors se prépare. Il peut se prolonger plusieurs jours. L’esprit est très disponible, le jeûne donne un état de claire voyance.
La reprise alimentaire est aussi étudiée que l’acte salvateur.
– Les grandes questions existentielles chroniques :
qu’est-ce j’ai à faire de ma vie ? Quel service j’ai à rendre à la vie ? Ces questions fondamentales sont à traiter dans un séjour-recul
long (2 à 3 semaines, voire plus) où l’alimentation va tenir une place particulière. Elle sera prise en compte selon l’état de santé et surtout selon l’accompagnement nécessaire lors de ces grandes remises en question.
Nous pouvons constater que ces trois dimensions des problèmes de vie
déterminent trois rythmes de jeûne que l’on retrouve dans les différentes traditions :
– le jeûne hebdomadaire autour d’une petite contrariété ;
– le jeûne mensuel correspond aux problèmes de moyenne importance ;
– le jeûne annuel, aux questions de vie essentielles.
Bien entendu, ce n’est pas le rythme chronique rituel qui est important. C’est le besoin de vie vraie, intense, valeureuse qui
fait le jeûne.
Le jeûneur assainit le corps comme l’esprit.
Il nourrit le corps de sa propre substance et l’esprit, de l’Esprit Saint attiré par le dialogue essentiel.