Dans Reflets n° 13 nous avions interviewé Jean-Marie Pelt – pharmacien agrégé, botaniste et écrivain – sur la nourriture. Nous vous avions annoncé une interview sur son parcours. Quel plaisir de rencontrer ce scientifique, homme de foi, débordant d’activité, plein d’humour. Son dernier ouvrage Le monde a-t-il un sens ? (éd. Fayard) co-écrit avec Pierre Rabhi, nous fait découvrir le « principe d’associativité » montrant que la vie doit plus à l’alliance qu’à la rivalité.
Vous êtes un défenseur de l’écologie. C’est une attitude multiple, scientifique, économique, politique, spirituelle. Pouvez-vous préciser chacune de ces approches ?
L’écologie commence par être une science. Le point de départ, c’est la définition en 1866 du mot « écologie » par Haeckel, le zoologiste allemand, comme science des interrelations entre les êtres vivants et leur milieu. En 1800, Alexander von Humbolt, allemand lui aussi, avait fait une expédition en Amérique du Sud avec l’objectif de mettre en évidence l’unité de la nature. Cette idée de nature était déjà très forte dans la tradition germanique, ce sont donc les Allemands qui ont fondé l’écologie.
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Plus on consomme, plus on gaspille
L’écologie comme économie de la nature. Dans la terminologie grecque, l’écologie, c’est le discours sur la maison et l’économie, ce sont les normes de gestion de la maison. C’est-à-dire que la terre, notre maison à nous, les humains, se doit d’être gérée selon des normes, c’est l’économie. Ces normes ont toujours été d’être économes. Puis le mot a dévié : ce n’était plus être économe, c’était être consommateur, et l’économie s’est pervertie. Il ne s’agit plus d’économiser les ressources et d’en faire un usage prudent et non gaspilleur. Au contraire, plus on consomme, plus on gaspille. C’est la fameuse théorie qu’il faut beaucoup de croissance pour avoir de l’emploi. C’est une théorie perverse qui ne peut pas durer. Ce fut vrai lors des dernières décennies mais ça ne marche plus comme chacun le voit. Normalement, il faut arriver à un état « stationnaire », un état d’équilibre entre les activités, l’emploi, la consommation et l’utilisation de la planète, – qu’on pourrait appeler, si on est optimiste, un état d’harmonie. Mais n’importe qui voit bien qu’actuellement l’économie n’est pas très harmonieuse.
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L’élévation spirituelle est essentielle pour l’écologie
Enfin spirituelle, c’est notre approche à nous. Nous avons une approche spirituelle de l’écologie, qui se résume en une seule idée : vous pouvez être un très bon écologiste, éteindre une lampe, manger bio, mettre une petite éolienne sur votre maison, faire des économies d’énergie, rouler à vélo, marcher à pied, et être absolument invivable pour les autres. Il ne sert à rien d’être écologiste si vous tourmentez votre épouse et si vous persécutez vos collaborateurs. Si, au boulot, vous avez un caractère de chien, cela ne sert à rien de faire de l’écologie. Il faut avoir le souci des relations positives, pas seulement avec la nature, mais aussi avec les humains. Et ça, c’est porté par les grandes traditions spirituelles. L’élévation spirituelle est essentielle pour l’écologie et le fait qu’elle est absolument absente des Verts m’interpelle.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’homme, à court terme d’abord et à moyen terme ? À court terme, va-t-il vers cette associativité ?
J’ai deux regards, un peu contradictoires. Le premier, c’est de me dire : quand on voit comment raisonnaient et se comportaient les Romains, le cirque, les gladiateurs, c’était d’une sauvagerie incroyable. Aujourd’hui, on voit que les Catalans ne veulent plus de férias, de corridas. Je me dis qu’une évolution s’est faite parce que comme c’était avant,on ne l’accepte plus. Il y a aussi un mouvement pour la paix qui rend difficilement imaginables les guerres d’autrefois.
On ne dit pas assez souvent qu’en Europe, on a la paix depuis 70 ans. Ce n’est jamais arrivé, puisqu’on s’est toujours tapé dessus. Donc, l’humanité progresse dans le bon sens. Après ça, je regarde la carte du monde et je vois des conflits partout, des conflits inquiétants. Cette montée en puissance de l’islamisme radical et les intégrismes.
Pour lire la totalité de l’article...REFLETS n°14 pages 40 à 45