Foi spirituelle et foi religieuse sont comme nos deux bras
Bernard Montaud
Fondateur de la Psychanalyse corporelle®, Bernard Montaud est à l’origine de la voie spirituelle Art’as, dans la lignée de l’enseignement de Gitta Mallasz, le Dialogue Essentiel et aussi de la tradition chrétienne.
À l’occasion de sa participation à la rencontre internationale sur l’Islam spirituel à l’UNESCO (voir page 40), nous l’avons interviewé sur les deux aspects de la foi.
Bernard Montaud, que représente pour vous cette rencontre à l’UNESCO autour de l’islam spirituel ?
D’abord, ayant été invité à cette rencontre, elle constitue pour moi un très grand honneur. Mais surtout, je crois que nous ferions une grave erreur si nous pensions que le fanatisme religieux qui s’exprime dans l’islam ne concerne que l’islam. Je pense que nous sommes devant une maladie de la foi qui concerne l’ensemble de l’espèce humaine, toutes religions confondues, et qu’il faudra reconsidérer à l’intérieur de toutes les religions ce qu’est la vraie foi et ce qu’est la fausse foi. Nous avons à nous interroger sur : à quoi servent ces intolérances, à quoi servent ces fanatismes, à quoi servent ces intégrismes sinon à nous rappeler à l’ordre d’une vraie foi, d’une foi tolérante, d’une foi qui partage, d’une foi qui comprend. Oui, je pense que par défaut de sacralisation dans nos sociétés, nous avons produit la folie de la foi par manque de foi et que ce n’est pas le problème seulement de l’islam, c’est le problème de tous les mouvements spirituels et de toutes les formes de foi.
Le thème de cette rencontre est l’islam spirituel. Cela veut dire qu’il n’y a pas qu’un islam religieux ? Faites-vous une différence entre la foi spirituelle et la foi religieuse ?
Oui, tout à fait. Selon moi, il y a une foi spirituelle qui concerne une foi en soi, en sa propre grandeur. Croire en la grandeur de soi, c’est un premier niveau de la foi. Et la foi spirituelle de toutes les traditions, qu’elles soient soufie, bouddhiste ou chrétienne, c’est cette espèce de conversion intérieure qui nous fait passer du pire au meilleur de nous-mêmes. Être meilleur, voilà le souci de la foi spirituelle. La foi religieuse, c’est une autre forme de foi. Elle s’appuie sur la relation entre la créature et le créateur. Et elle interpelle d’une autre façon : quand je suis meilleur, qu’est-ce que je peux faire au nom de Dieu ? À quoi peut servir ma vie au nom de Dieu ? C’est là où la foi religieuse devient complémentaire de la foi spirituelle. Donc ce sont deux formes de foi différentes. L’une n’a pas besoin de Dieu, c’est la foi spirituelle ; l’autre a besoin de Dieu, et c’est la foi religieuse.
Est-ce qu’il y a un ordre dans ces deux formes de foi – spirituelle et religieuse – ou bien sont-elles équivalentes ? On peut passer de l’une à l’autre ?
Je dirais qu’elles sont à l’image du bras droit et du gauche. Il n’y a pas un ordre, il n’y a pas un bras qui est meilleur que l’autre, chacun a son utilité. C’est dans la complémentarité des deux bras que nous pouvons embrasser.
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Il est nécessaire que la foi spirituelle et la foi religieuse se rencontrent, elles sont complémentaires. C’est toujours à l’image du bras droit et du bras gauche : il est bien nécessaire qu’ils se rencontrent, ne serait-ce que pour prier… Et les formes de foi, différentes entre elles, ont besoin de se rencontrer ! Au niveau de la foi, nous avons à faire voir au monde que nous acceptons nos différences pourvu que nous priions ensemble. Cela me paraît un acte politique majeur, et que le Cheikh Bentounès a magnifiquement réussi par ce congrès.
Quel message voudriez-vous faire passer à l’occasion de ces Journées ?
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J’aimerais que, comme il le désire, nous soyons de nombreux mouvements à œuvrer pour créer une journée du vivre ensemble et du faire ensemble et du croire ensemble. Il me paraît ridicule en 2015 que les protestants se battent contre les catholiques, que les sunnites se battent contre les chiites, que les ceci se battent contre les cela dans la foi. C’est un non-sens de la foi puisque la foi, c’est partager, c’est recevoir la foi de l’autre. Je pense que le premier devoir du croyant est d’autoriser quiconque à croire en ce qu’il veut. Et de la même manière qu’il existe une journée du 1er mai où les syndicalistes défilent la main dans la main, en première ligne, tous syndicats confondus, il faudrait instaurer une journée où nous défilerions, les musulmans, les bouddhistes, les religieux, les non religieux, les engagés spirituels, les voies spirituelles, petites ou grandes, tous, la main dans la main. Parce que nous ne pourrons pas constamment nous battre contre ces petites guerres de religions stupides qui ne sont que des mesquineries spirituelles.
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Pour lire la suite, Reflets n° 19 pages 26 à 27
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