Passionné de voyages, Christian Geniller adore partir, seul, en famille, avec des amis, en vélo, en voiture, train ou avion. Depuis la pandémie et les confinements, son beau stylo s’est mué en locomotive, pour des voyages intérieurs où des images inspirées du passé surgissent pour mieux lui parler de qui il est et lui faire toucher comme une grâce qui il pourrait être. Ce sont les palpitations de l’aventure avec des billets toujours « open » vers des lieux et des temps plus ou moins effacés.
En cette belle après midi ensoleillée
En cette belle après midi ensoleillée, un avion saupoudre le ciel azur d’une trace blanche me transportant, l’espace d’un court instant, dans l’agréable pensée de mes voyages passés. Cette fulgurance me procure un frisson de plaisir. Immobile, assis devant ma feuille blanche, stylo à la main, un autre moment de réjouissance m’attend. Depuis maintenant quelques années, l’écriture telle que nous la pratiquons avec la revue Reflets me fait voyager sans bouger.
Une colère monte
Aujourd’hui, c’est l’article d’un journal traitant de la liberté d’expression qui m’interpelle. Une colère monte : « c’est pas possible de parler de la liberté d’expression de cette façon. Un média qui défend ceux qui blasphèment ! » Mes pensées se lâchent sur ma feuille immaculée bientôt remplie de mes émotions. Oui, c’est bien moi qui écrit en sincérité. J’ai bien le droit à mon point de vue sur ce sujet. Ces médias sont en train de souiller de pauvres gens ! Je me sens dans leur peau, souillé. C’est l’instant où je comprends que ce mot parle de moi, de mon histoire personnelle.
Un souvenir surgit
Ma main décolle le stylo du cahier, mes yeux se ferment pour bien en percevoir le goût. Il n’est pas très agréable mais je peux en convenir. Et bienheureux dans mon acceptation, un souvenir surgit : j’ai 14 ans dans ce stage de foot à Cavaillon, où sur ce magnifique terrain gazonné, les entraîneurs nous demandent de nous asseoir. Une fourchette a été retrouvée dans la cuvette d’une des toilettes du vestiaire. Il faut un coupable. Je me sens gêné, angoissé, rouge de honte même si je n’ai rien fait. L’entraîneur tourne son regard dans ma direction : « Geniller, c’est pas toi qui a fait ça ? » Un « petit non » sort de ma gorge étranglée par la peur d’être évincé de l’équipe.
N’ayant pas trouvé de coupable
N’ayant pas trouvé de coupable, les dirigeants imposent un footing sous la chaleur estivale de Cavaillon tant que personne ne se dénoncera. C’était interminable. Nous étions trempés de sueur. Finalement, le petit trublion était un garçon fort sympathique qui voulait faire une blague pour se faire remarquer mais il n’a avoué sa faute que plus tard ! Ils l’ont fait courir toute la soirée dans la cour après le repas jusqu’à la nuit.
Je sens au fond de moi comme cela a été marquant
Je sens au fond de moi comme cela a été marquant. Je me suis senti souillé et décidais le soir même en m’endormant dans le dortoir de ne plus envisager une carrière de footballeur professionnel et à l’entériner lorsqu’un entraîneur me posera la question à la fin du stage de mon avenir dans le football. Je veux lui faire payer et par la même occasion me priver de mon rêve d’enfantC’est fini, la famille du football est trop dure !
Mon cahier porte maintenant l’empreinte détaillée de mon souvenir d’adolescent. Une heure de voyage dans le temps sans voiture ni avion pour me souvenir et même revivre grâce à ma plume cette parcelle de vie. Cette expérience me fait sentir la différence entre un souvenir remémoré sans sens et un souvenir revécu avec des images en vérité, inspirées du passé. Il y a bien différents niveaux de revécus.
Une scène cinématographique se dessine
En élargissant l’image du souvenir, le voyage se fait plus précis, apparaissent les protagonistes, leurs gestes et attitudes, le décor. Une scène cinématographique se dessine et nous pouvons la revivre. Aujourd’hui, j’ai de la chance. Les images sont claires comme ce ciel toujours dégagé au-dessus de ma tête. Une porte s’est ouverte. Je suis maintenant dans la peau de cet adolescent un peu maladroit et marginal qui voulait montrer sa force avec son ballon sans vraiment écouter les consignes de l’entraîneur. Ah oui, c’est pour ça qu’il voyait en moi un possible suspect !
Le voyage est beau et la Consolation a l’art de réchauffer mon cœur
Je suis très touché par ce jeune de 14 ans qui veut prouver le champion qui sommeille en lui. Il serait dommage de ne pas lui parler. Le regard de tendresse de l’adulte porté sur l’enfant que j’étais me fait du bien. Comme si un ange venu du ciel était venu effleurer ce garçon de sa lumière pour l’apaiser. Le voyage est beau et la Consolation a l’art de réchauffer mon cœur, de l’attendrir physiologiquement. Elle ne s’arrête pas au petit Christian.
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Pour lire l’article REFLETS n°44 pages 28 à 29