Le RECHO a commencé
avec une cuisine roulante menée par une dizaine de femmes à Grande-Synthe, au milieu d’un camp de réfugiés. Le but est de cuisiner avec et pour les migrants. L’équipe du RECHO restaure les ventres, les cœurs, les dignités.
En 2019, une ancienne caserne du boulevard Exelmans accueille en plein cœur du XVIe arrondissement de Paris 250 réfugiés, demandeurs d’asile et des familles en situation d’urgence. La Table du RECHO s’y installe pour créer du lien entre les résidents et les gens du quartier. Cette expérience temporaire finie, ouverture dans le XVIIIe arrondissement de Paris, d’un second restaurant humaniste en juin 2022, au cœur d’un lieu singulier, LE BAL.
L’ambition de La Table du RECHO est de créer un restaurant humaniste mettant à l’honneur une cuisine du vivant, concoctée à partir de produits bruts, majoritairement biologiques, locaux et paysans. L’entreprise La Table du RECHO, agréée entreprise d’insertion professionnelle à destination des personnes réfugiées statutaires, propose un parcours d’intégration d’environ 18 mois. L’ensemble met en lumière une vision militante de la cuisine engagée et durable.
Qu’en est-il de la solidarité autour de la cuisine ?
Le projet est né en 2016. On s’est sédentarisé à partir de 2019 en s’affiliant à une association d’entreprises d’insertion pour des personnes immigrées. La question de l’alimentation et de la solidarité a évolué aussi parce que le contexte politique a énormément changé. D’ailleurs pas toujours dans le bon sens, car la politique d’accueil est de plus en plus déplorable en France et en Europe ; celle-ci remet en question la solidarité internationale, l’hospitalité, l’asile, le droit d’asile même. Cela a une répercussion sur nos métiers qui subissent déjà la tension, l’inflation, la suite de la crise Covid avec des habitudes qui ont évolué chez les Français et les Européens.
Comme le contexte politique est dur, il y a de plus en plus besoin d’aide aux réfugiés, aux migrants alors que les aides étatiques diminuent, est-ce que ça ne réoriente pas votre action ?
Le problème est l’organisation de l’accueil.
Et il y a une espèce de peur phobique d’un concept erroné, mais qui est diffusé dans toute l’opinion, et en particulier chez les politiques, prétendant que plus on organise l’accueil, plus les gens vont venir. Les scientifiques ont démontré que c’était faux. Cette idée est aujourd’hui présente dans toute la classe dirigeante et chez les hauts fonctionnaires. Donc ils créent des conditions inhumaines d’accueil. Cela rend problématique,d’après notre analyse, quelque chose qui ne devrait pas l’être.
En effet à partir du moment où l’accueil est pris en charge et bien géré par l’État, ce n’est pas la population accueillante qui subit les conséquences que cela peut avoir. Quand des personnes sont mal intégrées, il y a des conséquences négatives pour l’ensemble de la population.
On essaie de promouvoir la qualité,
c’est-à-dire de se procurer les produits auprès d’agriculteurs qui travaillent bien, en bio. Et on n’a aucun avantage fiscal, on est triplement labellisé Écolab. On subit l’inflation comme tout le monde.
L’insertion a un coût,
accompagner des équipes qui ne sont pas en voie de la professionnalisation, cela a un coût. Sur la partie vente de produits, c’est dur. Notre restaurant dans le XVIIIe arrondissement est en situation délicate, parce que les gens restreignent leurs dépenses. On a 50 % de moins par rapport à l’année dernière. Pour la partie traiteur, les entreprises qui sont en quête de sens font appel à nous. La qualité soutient la demande. La partie traiteur sert un peu de locomotive à l’ensemble du projet. On a plus de volume, donc on peut aller plus loin dans l’insertion, et plus loin dans l’achat de matières premières auprès d’agriculteurs et de producteurs en conversion ou
labellisés.
Nous créons aussi des débouchés
pour des agriculteurs en bio qui souffrent plus que les autres.
Ensuite, sur la partie subventions, c’est un contexte délicat en ce qui concerne les choix qu’on doit faire pour ne pas en être dépendants à 100 %. Il y a des subventions publiques et des fonds privés, mais on n’est plus dans le contexte de 2016 où primait la question de l’accueil et de la migration avec la crise syrienne.
Souvenez-vous de l’émotion qu’avait suscitée la photo du petit Aylan. Aujourd’hui, on est un peu rentré dans une habitude, on ne regarde même plus.
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On anime de plus en plus d’ateliers d’entreprise.
C’est une façon pour l’association de produire du chiffre d’affaires sans être toujours en quête de subventions. Mais notre modèle associatif repose encore à 80 % sur la subvention.
L’entreprise est autonome à 70 % en financement là où l’association est dépendante à 70 %.
Est-ce que vous avez la même motivation qu’il y a 8 ans ?
Oui, ce projet se structure.
Aujourd’hui, entre l’association et l’entreprise, il y a 22 personnes qui travaillent. On a 8 personnes en insertion. Entre-temps, j’ai eu un enfant, je ne passe plus 7 jours sur 7 au RECHO. J’y passe un temps
normal comme entrepreneuse.
Les envies sont différentes.
C’est un projet qui évolue, on ne s’en lasse pas parce qu’il y a des besoins énormes, parce qu’il y a de l’impact et parce que le déploiement du projet agit.
On a des nouvelles idées.
Ce projet peut se développer encore pendant des décennies et prendre des formes variées. Nous souhaitons asseoir et consolider un modèle en nous préparant à des heures plus sombres pour la solidarité.