« J’étais étranger, vous m’avez accueilli »

Étranger, c’est la même racine que le mot « étrange ». Ce qui étonne, intrigue, dérange. L’étranger est par définition celui que je ne connais pas. Il n’est pas anormal de ressentir une défiance, une peur, un rejet devant l’inconnu. Nous sommes ainsi faits que le connu, le répétitif, l’habituel nous rassurent. Même si ce passé n’est pas satisfaisant, nous le préférons à l’inconnu forcément incertain, soupçonneux, dangereux.
« J’étais étranger, vous m’avez accueilli. »*

L’accueil est un dépassement.
Il nécessite, intérieurement, d’accepter mes réticences, de les identifier, de les choyer. Comme c’est curieux ! Avant de pouvoir accueillir l’étranger, je dois passer par l’accueil de mes craintes, les respecter. Bref, je dois me re-connaître. C’est ma douane. En franchissant la frontière de mon gentil ego, muni des « papiers » descriptifs de qui je suis, je me dépasse, j’entre dans un nouveau pays.
L’accueil est un renversement.
En tendant la main à l’étranger, je livre ce que je suis. Je reçois ce que je ne suis pas. Un autre regard, une autre écoute, une autre expérience de la vie, un autre cœur. Par cette rencontre, je ne suis plus le même. Je croyais que l’autre, l’étranger allait m’appauvrir. En fait, je deviens plus riche, plus heureux. Nouvelle connaissance, au-dedans comme au-dehors. Quelle étrange alchimie ! Pour agir ainsi sur mon être, n’est-il pas dieu cet étranger, celui que je ne connaissais pas ?
Aujourd’hui, les étranges étrangers, les migrants, sont parmi nous, poussés par le besoin, souvent par la nécessité de survivre. Qui vois-je ? Un terroriste ou un dieu ? C’est moi qui décide de ce qu’en fera ma main.

Christian Rœsch

* Évangile de Matthieu 25-35