Frère Samuel, philosophe et théologien, est proche de l’entreprise et du monde de la culture. Son dernier ouvrage, Traverser le XXIe siècle
se présente comme un « petit manuel philosophique de navigation ».
Le sourire est simple,
mais comme l’aboutissement d’une complexité extrême. Quoi de plus complexe que l’humain surtout quand il exprime affectivement sa perception et son ressenti du monde ? Même l’enfant qui babille et sourit aux anges parce qu’il est enchanté par le jeu de la lumière dans un voilage est un univers mystérieusement stabilisé dont l’harmonie et la paix affleurent quelques secondes sur le visage.
Éphémère et dans l’instant,
le sourire ouvre celui qui le vit et celui qui le recueille à un au-delà d’eux-mêmes, à une pureté lumineuse et une plénitude qui traversent le cœur et y laissent la trace de leur passage.
C’est une vie tout entière
qu’il donne à lire quand il traverse une existence brisée ou ravagée par la souffrance ; le sourire apparaît sur les lèvres de ceux qui n’ont plus de larmes et aperçoivent, au-delà du naufrage, les rivages de l’acceptation et de l’abandon.
Il peut être celui du nouveau-né, du ravi ou celui de la mère du Crucifié qui tourne sa face vers son fils.
Le sourire, dans la statuaire bouddhique ou les crucifix du XIIIe siècle, dit la béatitude, la plénitude partagées hors des atteintes de la souffrance ou l’ayant traversée. Il laisse alors transparaître la transcendance du bonheur et de la paix dans les fibres de la chair.
Le sourire est un geste.
Il est même le geste le plus signifiant,
Épiphanie où la personne communique à la fois l’immédiateté de la joie et une profondeur d’expérience qui lui échappe. On sourit dans la confiance, dans la complicité de l’amitié, dans la bienveillance partagée à l’égard d’un enfant ou lorsque l’accueil d’autrui se fait sans condition. Le visage tout entier sourit et parfois même le corps quand il a appris du cœur à se laisser envahir par la joie.
Gratuité fragile du sourire
qui répare et ponctue nos existences : de la joie d’un évènement, de la présence d’un être aimé à la joie d’être et de célébrer le Créateur dans ce que sont les créatures. Le sourire béat exaspère et pourtant il est peut-être l’expression lointaine d’une possible confiance dans la cohérence profonde des êtres et des évènements qu’il traverse.
« Un visage, même s’il resplendit de tendresse et de beauté, demeure à une certaine distance et ne crée pas une communication vivante. Le sourire, au contraire, rapproche deux êtres, […] il est l’amour qui affleure et qui s’offre dans un balbutiement qui ne trompe pas. Premier langage du cœur, langage le plus spirituel et le plus pur, il s’incline vers l’autre pour faire jaillir en lui la même confiance et le même amour. »
Quand le sourire se force,
se déforme pour devenir façade, masque, obligation familiale, il crée une dissociation. Dédoublement du sourire convenu, voire du sourire pervers qui prennent au piège de l’équivoque ceux auxquels ils sont adressés. À l’extrême, on entend le ricanement du joker dont l’esprit dévasté hurle à travers un visage où la folie meurtrière se mélange au clown. Hantise de ce début de XXIe siècle sidéré entre la déception et la peur et où la sauvagerie affleure ?
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C’est une arme invincible
qu’un vrai sourire, un incendie de miséricorde et de pardon quand il répond à la violence des bourreaux et à la néantisation du mépris.
Le sourire n’appelle rien
que d’être partagé et de parcourir le monde de visage en visage et de tressaillements en frémissements. On n’apprend pas à sourire mais à disposer sa capacité émotive à capter le meilleur des personnes et des situations. Ne serait-ce que l’intention positive et sincère de servir au mieux un client !
Le sourire nous est aujourd’hui plus nécessaire que jamais,
mais nous devons aller le chercher au fond de nous. C’est la gratitude que par lui nous devons apprendre à pratiquer comme un acte de résistance dans un monde au cynisme stérile.