Maintenant entré dans cette tranche d’âge qu’est la vieillesse, le concept de liberté m’apparaît plus simple, comme si j’en avais fait presque le tour. Plus jeune, je n’en voyais qu’une partie, celle qui émerge au-dehors. Frais émoulu de la faculté, avec le droit de vote, des conquêtes féminines, la liberté pour ce jeune adulte signifie la liberté individuelle de faire ce qu’il a envie : s’installer où il veut, voter pour qui il veut, épouser qui il veut. La liberté est celle du vouloir.
Pourtant assez rapidement, il s’aperçoit que cette liberté est entravée par la société, même si les limites sont constamment repoussées (le mariage homosexuel, par exemple). Obligations, contraintes, sanctions délimitent le cadre hors duquel il est difficile de subsister. Chaque nation, et à l’intérieur chaque groupe (social, professionnel, familial, etc.), définit l’espace de liberté. La lutte sociale et politique pour la liberté consiste à déplacer les bornes précédentes.
Puis la crise de la quarantaine met en relief chez cet homme les souffrances personnelles, amenant à un travail sur soi dans la voie Artas 1. Quelle surprise de découvrir que les ressentiments – même sociétaux – proviennent de notre histoire personnelle ! Explication : à l’âge de 30 ans, il est un ardent défenseur de la liberté vaccinale, actif au sein de la Ligue Pour la Liberté des Vaccinations. Sa soif de liberté concernant la gestion de sa santé et cet engagement associatif proviennent des problèmes vécus dans la toute petite enfance.
À cette époque, le vaccin DTTAB se fait dans les huit jours après la naissance, avant la sortie de la maternité. Le bébé se sent arraché de sa mère quand on l’emmène pour cette piqûre qui a lieu au milieu du dos. L’effet conjugué de la douleur et de la peur le fait cambrer comme les bébés atteints de tétanos ombilical. Il a l’impression qu’on va le tuer. Étrange ce sentiment, jusqu’à ce qu’il découvre, grâce à la psychanalyse corporelle 2, qu’il a été sujet d’une tentative d’avortement par aiguilles l’atteignant précisément dans le dos 3. Depuis, l’idée de vaccin est associée à celle de tentative de meurtre. Et puis encore plus surprenant, ce travail sur le passé lui permet de s’apercevoir que chaque décision, même minime, est conditionnée par son histoire. Du choix de la couleur de sa voiture à sa répulsion pour les navets, ou encore au plaisir de manger des carottes, tout est analogie avec des moments-clés de son histoire, depuis la naissance
jusqu’à l’adolescence. Rien n’y échappe : ni le bulletin de vote ni le choix du conjoint.
1. www.artas.org
2. Bernard Montaud, Laisse parler ton corps, éd. Eyrolles.
Pour lire l’article en entier REFLETS n° 33 pages 40 et 41