Bernard Montaud fonde en 1983 l’association Artas, un mouvement spirituel pratiquant le dialogue inspiré transmis par Gitta Mallasz. Fondateur de la Psychanalyse corporelle, il intervient dans divers domaines dont les prisons au Texas. Il est un fervent défenseur de la vie spirituelle et de la foi sous toutes ses formes. Il est auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages témoignant de son expérience intérieure. www.bernardmontaud.org
Comment voyez-vous la vieillesse ? Vous en parlez comme étant l’âge le plus intense, le plus puissant. C’est si différent du sentiment commun.
Selon moi, la vieillesse réunit les conditions idéales, mais aussi les plus difficiles, pour préserver le meilleur de soi, préserver l’amour, la miséricorde au fond de soi. Je crois que la vieillesse est une suite d’épreuves qui exercent à la miséricorde, au meilleur de soi et qu’elles sont une opportunité à saisir pour renforcer cet état de nous-mêmes.
Quelle est la finalité de la vieillesse ?
Il faut se mettre devant les conditions de la vieillesse et se demander pourquoi un Dieu – un Créateur – aurait voulu persécuter ses créatures ? Alors, si on s’interroge en quoi la vieillesse est une opportunité d’existence intense plutôt qu’une persécution, on entre dans une contemplation qui peut comprendre la nature profonde des évènements de la vieillesse. Des évènements majeurs démarrent au lendemain de la retraite et qui ont forcément un sens : la fin du monde du travail, la fin de la beauté extérieure, de la sexualité, une relative mise à l’écart de la famille, et une inversion du temps.
Ces phénomènes – entre le premier jour de la retraite et le jour où l’on meurt – sont un ensemble de circonstances idéales pour mettre à l’épreuve le meilleur de nous-mêmes. La vieillesse est une conquête permanente de pertes successives qui risquent d’altérer le meilleur de nous. L’enjeu est de conserver ce meilleur quelle que soit l’épreuve que nous traversons, y compris la mort : est-ce que nous pouvons demeurer dans la miséricorde, dans l’accueil d’autrui et dans l’amour même si nous sommes en train de mourir ?
Pour moi, la vieillesse, c’est ça.
Avec la vieillesse, le monde extérieur se rétrécit de plus en plus. Il y a une contrepartie à ça ?
Dans un monde qui n’a plus de foi, nous ne sommes pas conscients qu’il y a autant de réalité dans le monde invisible que dans le monde visible. Nous savons bien qu’à côté des couleurs il y a les ultraviolets et les infrarouges ; qu’à côté des sons audibles il y a les ultrasons et les infrasons. Nous acceptons que nos organes des sens voient le visible et qu’il existe en même temps un invisible aussi important que le visible. Mais nous ne l’acceptons pas pour notre vie. Nous passons les trois quarts de notre vie à essayer de réussir sur terre mais à nous appauvrir du ciel. Or la vieillesse, c’est soudain l’arrêt de ce processus : soudain nous allons rétrécir sur terre. S’il n’y a pas de ciel qui naît, nous sommes dans une impasse terrible, dans une folie de l’existence.
Il faut que nous soyons moins en bas pour être plus en haut, moins dehors pour être plus dedans. La vieillesse nous enlève toute la vie du bas, toute la vie dehors, car elle espère la vie du haut et la vie dedans.
Cette vie dedans, c’est quoi ?
C’est la vie de foi sous toutes ses formes. Ce n’est pas forcément la foi religieuse. La première foi est la foi spirituelle, la foi dans le meilleur de soi et des hommes. Elle n’a pas besoin de Dieu. Il existe un meilleur de chacun de nous auquel il faudrait commencer à croire avant de croire en l’ange, en Dieu, en la Vierge. La foi spirituelle n’a pas besoin de divinités : « Crois-tu que le meilleur de toi est possible ? Crois-tu qu’il existe ? Et fais-tu tout ce qu’il faut pour qu’il apparaisse, pour comprendre les mécanismes qui vont l’installer en toi ? ». C’est la première foi, la foi spirituelle. Et c’est le début de la vie intérieure, ce n’est plus la vie extérieure.
Après, il va y avoir les autres fois : la foi apostolique, qui fait que nous ne pouvons nous accomplir que dans l’aide à autrui ; la foi religieuse, qui nous accomplit dans la prière et les rites ; et enfin la foi mystique, qui fait que nous avons besoin d’étreintes avec l’invisible, quel que soit le nom de cet invisible, pour retrouver une vie au-dedans aussi intense que la vie au dehors qu’on est en train de perdre dans la vieillesse.
Cette recherche du meilleur de soi, cet accomplissement individuel préfigurent-ils le futur de l’humanité ?
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Pour lire l’article REFLETS n°39 pages 40 à 43