Normalien de formation Denis Marquet est philosophe et écrivain. Il accompagne des êtres en quête du sens de leur existence et de leur accomplissement spirituel dans « La Voie du Christ » qu’il a fondé. Humble et atypique il trace une nouvelle forme de sagesse comme en témoignent ses deux essais sur « la véritable philosophie du Christ ». Son dernier ouvrage Dernières nouvelles de Babylone aux éditions Aluna, traite avec humour de l’impasse dans laquelle s’engage notre société.
Vous emmenez souvent des groupes dans des voyages, vous avez aussi des groupes résidentiels.
Quel est l’intérêt d’emmener un groupe dans un lieu particulier?
Il y a déjà l’intérêt du groupe lui-même. Je travaille dans une dimension christique, et une phrase du Christ résume la puissance du travail collectif : « Lorsque deux ou trois d’entre vous sont réunis en mon nom, je suis au milieu de vous ». L’unité du groupe crée un réceptacle qui permet à tous les participants de recevoir les grâces dont ils ont besoin dans le moment. Le simple fait de se réunir est donc essentiel. Ensuite, il y a le voyage en lui-même.
Quel est l’intérêt du voyage ?
Il y en a au moins deux.
- Le premier, c’est la perte de repère. Même si les voyages que j’anime sont bien organisés et encadrés, la confrontation à un contexte nouveau, et aussi la rencontre de personnes profondément différentes, permet un décentrement intérieur propice à une ouverture. Nos repères habituels et nos routines de vie créent une espèce de continuum qui peut nous enfermer. Or, la spiritualité, c’est d’abord l’ouverture au nouveau. Chaque fois que la grâce agit, elle crée du nouveau ; or, tout ce qui est routinier résiste au nouveau. Une perte de repère, même minime, ouvre une brèche dans l’individu. Quand celle-ci s’ajoute à la réceptivité créée par l’unité du groupe, l’ouverture est maximale.
- Dans les voyages que j’anime, qui sont des voyages spirituels, il y a un deuxième intérêt : la rencontre avec des traditions spirituelles différentes de la nôtre. La vie spirituelle, de mon point de vue, est profondément une. Mais on peut la comparer à une sphère. Quelle que soit notre culture, religion ou spiritualité, on se trouve tous à la surface de la sphère et on regarde vers le centre. Deux personnes qui sont sur les deux faces opposées de la sphère pourront penser indiquer une direction opposée et se croire séparées mais, en réalité, elles pointent vers le même centre. Rencontrer des spiritualités différentes permet de se souvenir que, sur une voie spirituelle, on se dirige vers un centre qui transcende toutes les manières de l’appréhender. Cela crée, dans la rencontre avec l’autre, une profonde fraternité.
Ces voyages sont-ils centrés sur la voie christique ou sur la confrontation avec d’autres traditions?
Les deux. L’enseignement que je donne est toujours d’inspiration christique mais la rencontre avec d’autres voies permet d’enrichir cette dimension. De mon point de vue, la voie du Christ a ceci de particulier qu’elle permet d’affirmer la vérité de toutes les autres voies. Quand Jésus dit : «Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir », que cette phrase peut s’entendre bien sûr par rapport à la loi juive, mais également par rapport à toutes les traditions du monde. Toute tradition spirituelle recèle une vérité qui est contenue dans l’enseignement du Christ. Par exemple, quand on se confronte à une voie animiste ou à un culte de la Déesse Mère, on rencontre une spiritualité de la terre qui est, non pas abolie, mais accomplie dans le culte marial. Ce n’est pas un hasard si les grands lieux de culte à Marie ont été fréquemment construits sur d’anciens sanctuaires où l’on adorait la déesse Mère. D’un autre point de vue, lors d’un voyage en Inde, nous avons passé deux jours sur les traces de Ramana Maharshi. Il méditait sur la question « Qui suis-je ? », sur le « Je suis ». Or, le pur « Je suis », sans attribut après le verbe, est affirmé sept fois par Jésus dans l’Evangile de Jean. Par ailleurs, un voyage en Ouzbékistan et la rencontre avec des maîtres soufis a permis à beaucoup de se réconcilier avec la spiritualité musulmane, ce qui est essentiel dans nos pays où des tensions avec l’islam peuvent exister.
Dans la rencontre avec les spiritualités autres, l’ouverture de l’horizon féconde l’enseignement christique. Il ne s’agit pas de faire du syncrétisme spirituel, la démarche est plus profonde. Il s’agit de pouvoir entendre chaque affirmation spirituelle dans sa vérité en lui laissant prendre juste sa place à l’intérieur de soi. Et l’on se rend compte, alors, que la compréhension des enseignements du Christ en est approfondie.
Est-ce que vous vous posez la question de l’aspect écologique des voyages, des problèmes d’avion, de carbone ? Est-ce que ça rentre dans vos préoccupations ?
Bien sûr, et je l’avoue, c’est une question que pour l’instant je n’ai pas résolue. J’ai passé les deux ans de la période Covid sans voyager, et je me suis senti très en paix avec le fait de ne pas prendre l’avion. Je ne sais pas encore si je vais reprendre l’animation des voyages. Il y a une partie de moi qui en a très envie, parce qu’il se passe des choses merveilleuses dans ces voyages, des rencontres magnifiques, des expériences spirituelles fortes chez les participants, et tout cela est une grande source de joie. Mais la question écologique me pose aussi problème. Il est certain qu’on peut décider, à partir d’un certain âge, quand on a beaucoup voyagé, de laisser la place aux jeunes. Pour les voyages de loisirs en tout cas, ça me semble être une bonne chose, et je songe vraiment à limiter fortement mes voyages touristiques et à beaucoup moins prendre l’avion. Pour ce qui est des voyages spirituels, je n’en suis pas tout à fait là dans ma réflexion, et je me sens encore dans l’aporie à ce sujet.
Pour lire l’article en entier Reflets n° 44 pages 19 à 21
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