La réforme du code du travail
Maxime Mocquant
Pendant tout l’été, le gouvernement, les syndicats, le patronat et les députés ont débattu de la réforme du Code du travail. Suite à ces négociations, pour accélérer la procédure sans pour autant négliger en amont les discussions sociales, le gouvernement procédera par ordonnances. C’est le 28 décembre 1910 que le premier recueil intitulé Code du travail a été adopté par une loi. Depuis, il n’a cessé de s’enrichir d’articles pour protéger les salariés et faire en sorte que toutes les entreprises se réfèrent à un texte commun. Plus de 3000 pages définissent les relations individuelles et collectives au travail, la durée du temps de travail, les salaires, la santé et la sécurité sur les lieux de travail, l’emploi, la formation professionnelle, les dispositions particulières à certaines professions ainsi que le contrôle de l’application de la législation du travail.
Dans cette réforme du Code du travail, deux visions s’opposent. Les uns veulent le simplifier et le rendre flexible pour suivre l’évolution des entreprises, au risque de faire régresser les avantages et les sécurités des employés ; les autres ne veulent pas perdre un seul avantage acquis par des années de luttes ouvrières, imposant l’idée que c’est à l’entreprise de s’adapter aux hommes et non le contraire, au risque de bloquer l’emploi et de rester à un niveau de chômage élevé.
Le monde du travail se transforme avec le développement des nouvelles technologies. La durée de vie des produits et des services se raccourcit, les grandes séries n’existent presque plus. On assiste à la création d’entreprises éphémères, viables avec le produit et le service associé. D’un autre côté, certains grands groupes se constituent et affirment leur suprématie en absorbant tous les concurrents qui dépassent une certaine masse critique. Même à l’intérieur de ces grandes structures, le maître mot est le mouvement, l’adaptation à l’évolution du marché. On constate une course effrénée, où celui qui avance moins vite que l’autre est condamné. Ce que vit aujourd’hui l’entreprise rejaillit sur l’humain qui y travaille. Il n’est plus question de s’adapter, mais d’être initiateur du mouvement, du changement, précurseur des tendances du marché et de la manière de le posséder. Il y a donc de plus en plus de personnes restant sur le bord du chemin, à l’arrêt, aigris et se demandant ce qui leur arrive : « Vingt ans que je travaille pour cette société et voilà comment on me remercie ! »
Le déroulement de la vie professionnelle semble s’orienter vers la succession d’emplois différents, entrecoupés de périodes de formation. Bientôt, choisir un travail conforme à ses aspirations ne sera plus possible, la seule option restante sera de répondre au besoin du moment. Pour cela, nous devrons continuellement nous former, nous adapter à la demande. Ce qui est vrai pour le type de travail, le sera aussi pour l’endroit où nous travaillerons. Déjà, beaucoup de personnes ne sont plus employées sur le site de l’entreprise, mais à domicile, d’autres sont obligées de quitter leur maison, leurs relations sociales, pour un autre lieu. Au regard de tout cela, beaucoup d’éléments sont réunis pour une confrontation entre les deux visions de la réforme du Code du travail. L’automne sera décisif, les opposants ont déjà prévenu que des mouvements sociaux seront organisés pour défendre les acquis. De l’autre côté, le gouvernement et les défenseurs des entreprises veulent aller vite, convaincus qu’en libérant les entreprises de certaines contraintes le chômage diminuera rapidement. Ils savent qu’ils seront jugés à la fin de leur mandat sur les chiffres du chômage.
Les tensions se crispent sur la perte d’une fonction, d’un acquis social. La réaction coutumière est tout d’abord le refus de ce qui évolue. Puis vient la révolte, la confrontation. Si rien ne fonctionne, intervient alors le marchandage, donnant donnant : la formation contre le respect de l’acquis. Cela donne un peu de répit, mais ne change rien au fond. La formation telle qu’elle est proposée aujourd’hui apprend seulement à faire différemment ou à exercer un autre métier. Les pertes et changements à venir seront tout aussi pénibles à accepter qu’aujourd’hui. En revanche, en apprenant à bien vivre les changements professionnels quels qu’ils soient, nous changerions notre vision.
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Pour lire l’article en entier Reflets n° 25 pages 6 à 7