La foi, un absolu d’amour
Sofia Stril-Rever
Sofia Stril-Rever, auteure, conférencière, biographe française du dalaï-lama et enseignante spirituelle, a créé le protocole des médit-actions Be the Love, présentées dans le livre L’Urgence d’aimer (octobre 2020, éditions Massot). Leur protocole intègre les sagesses traditionnelles, l’écologie profonde et les neurosciences contemplatives, mais aussi l’Agenda 2030 des Nations Unies. Car à l’heure où le pronostic vital de l’humanité est engagé, méditer c’est éveiller sa conscience et agir pour vivre mieux et prendre soin de la planète.
www.bethelove.global Apprivoiser et laisser libre
L’ÉNERGIE DE L’IMPOSSIBLE
Initiée au message évangélique dès ma petite enfance, j’ai mémorisé ces paroles de Jésus qui me fascinèrent : « En vérité je vous le dis, si quelqu’un dit à cette montagne : «Soulève-toi et jette-toi dans la mer», et s’il n’hésite pas dans son cœur, cela lui sera accordé. »
Ma vie est un voyage intérieur, animé de la conviction que la foi est l’énergie de l’impossible. À 17 ans, je rejoignis sœur Emmanuelle dans son bidonville du Caire. Elle n’était pas à l’époque l’une des dix personnalités préférées des Français, invitée des plateaux télévisés où elle tutoyait présidents de la République et célébrités. Elle vivait alors dans une cabane de 4 m² de tôle surchauffée l’été, sans porte ni eau ni électricité. La nuit, elle s’enveloppait dans des papiers journaux et des morceaux de tissus pour se protéger des insectes et des rats. Pauvre parmi les plus pauvres, elle n’était ni infirmière, ni médecin, ni assistante sociale. Pourtant elle réussit à « transformer les germes de mort en germes de vie », avec une usine qui recyclait les ordures, causes de maladies mortelles, en compost fertilisant les sols et source de richesse. De sorte qu’un quartier où il faisait bon vivre, remplaça un jour les masures de tôle. Les enfants scolarisés devinrent enseignants, fonctionnaires, avocats, soignants, médecins… Quand on demandait à sœur Emmanuelle comment elle avait changé la vie des 40 000 habitants du bidonville, sa réponse était : « Je les ai aimés ». Sa foi fut un absolu d’amour, « un amour plus fort que la mort ».
COMMENT VIVRE DANS UN MONDE QUI MEURT ?
J’ai été témoin et confidente de la foi de sœur Emmanuelle, qui souleva montagne après montagne. Et alors qu’aujourd’hui le pronostic vital de l’humanité est engagé, alors que la vie quitte la planète avec une espèce végétale ou animale disparaissant toutes les vingt minutes, il y a urgence à transformer les germes de mort et de destruction, omniprésents sur terre, en germes de vie. « Comment vivre dans un monde qui meurt ? », me demandait une étudiante de sciences-po. Je lui répondis : « En se réinventant avec l’amour de la vie et de toutes les vies. » La foi aujourd’hui, n’est-ce pas la confiance et l’amour de la vie ?
« Je suis la résurrection et la vie », dit Jésus, avant de ramener à la vie Lazare, décédé depuis trois jours. Lazare dans son tombeau m’évoque l’humanité aujourd’hui. Les bandelettes, les cordelettes qui enveloppent son cadavre, sont toutes nos pensées limitantes, notre indifférence, nos égoïsmes, notre apathie, toutes nos mémoires de peur, de haine, de violence, de victimisation, de culpabilité. La pierre qui ferme son tombeau, symbolise la dureté de cœur. Mais au plus intime de ce cœur, l’essence lumineuse de l’amour brille encore. « Sors », dit Jésus à Lazare. Sors ! », ce mot est un appel de l’amour à l’amour.
Si Lazare est capable de sortir du tombeau, c’est que l’amour de Jésus ravive l’amour présent jusque dans son cadavre en décomposition. Sans cet amour en lui, Lazare n’aurait pas entendu Jésus. Il ne serait pas sorti du tombeau. En ce sens, la mort n’est pas la mort… parce que l’amour est plus fort que la mort. L’amour est vital, on le sait aujourd’hui, il est impliqué dans la neurogenèse dès le début de la vie. Dans chacune de nos cellules, il y a ce que j’appelle « la mémoire matricielle de l’amour »2. Matricielle parce que le don de l’amour est le don de la vie. Le don de l’amour nourrit la vie et le don de la vie nourrit l’amour, au-delà même de notre existence physique, comme le montre l’histoire de Lazare.
LA FOI, RADICALITÉ DU MONDE NOUVEAU
Lazare qui sort du tombeau est un homme neuf. Sa nouveauté est le nouveau de l’amour inconditionnel qui passe par la mort des identités construites, de tous ces vieux moi auxquels on s’accroche et qui sont des tombeaux. Or nous sommes entrés dans un temps d’épreuve où il nous est demandé de sortir, de lâcher nos identifications, nos certitudes, nos divisions, nos peurs… traverser la mort pour vivre le nouveau. La foi aujourd’hui est la confiance en la radicalité du neuf qui n’est pas le contraire de l’ancien. Si l’on persiste dans un fonctionnement binaire du nouveau, opposé à l’ancien, le nouveau n’est pas neuf. Krishnamurti a parlé admirablement des constructions et des projections élaborées par « l’esprit vieux », en retard par rapport à la vie, se renouvelant à chaque instant.
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Pour lire l’article en entier REFLETS n° 38 pages 32 à 35