Dans un monde où le bruit a toujours été dominant et cela depuis presque toujours, il y a une quête paradoxale du silence. Comment dès lors définir et surtout vivre le silence qui relève, dans l’héritage biblique, de la nature divine ?
Une voix de fin silence
Dans le passage biblique sur l’histoire des rois d’Israël, la vie du prophète Élie est très éclairante sur ce point. Il était en conflit avec le roi et son épouse Jézabel qui s’adonnaient au culte des idoles. Élie partit vers le mont Horeb, surnommé la montagne de Dieu, à l’appel du Seigneur. Il vécut alors d’étranges phénomènes. Il vit successivement passer orages, séismes et feu mais Dieu n’y était pas. Peu après, il entendit la voix d’un fin silence et là il se prosterna en se voilant le visage car il avait reconnu la présence divine (1Rois 19.12). Comme très souvent, le propos biblique est énigmatique et surtout symbolique. Essayons d’en comprendre le sens. L’un des sens possibles est que ce silence divin est le sceau ou le signe de l’absolue transcendance de Dieu comme le note le théologien contemporain Gérard Delteil car il nous est, par nature, totalement incompréhensible à moins de passer par la médiation de Jésus. C’est ce qu’ont fait la plupart des spirituels chrétiens.
Le silence et les spirituels chrétiens
Ce silence divin est ambivalent dans l’héritage chrétien, allant d’une frayeur à la mode de Blaise Pascal quand il écrit « ce silence des espaces infinis m’effraie » à la joie parfaite de l’être humain de rentrer dans sa dimension divine car Dieu est silence. Pour notre contemporain Maurice Zundel (1897-1975), seul le silence laisse passer la voix de Dieu. Là encore nous retrouvons la continuité entre la tradition hébraïque et l’expérience chrétienne. Ce fin silence est une invitation qui nous est adressée pour avancer dans notre espace intérieur. Mais aussi, c’est une incitation à sortir de ce que l’on peut nommer la cacophonie du religieux quand il perd son substrat silencieux de communion partagée. Le christianisme a engendré, tout au long de son histoire, une multitude d’expériences du silence en groupes ou en solitaire.
Le silence dans nos pratiques quotidiennes
Ce silence,
souvent conjoint à la solitude, est un état à nul autre pareil. La quasi-totalité des spirituels chrétiens, connus ou inconnus l’ont traversé comme autant d’étapes indispensables dans leur croissance intérieure.
Il s’agit d’un état éminemment pratique
à introduire dans son fonctionnement journalier. À l’heure qui sera la nôtre, se mettre dans la position qui nous convient et fermer toutes les portes de notre chambre intérieure. Et là, laisser la paix et le calme mental venir en se fixant sur la seule chose qui nous mène à Dieu, la personne du Christ. Comme le suggère l’Évangile de Jean, nul n’a jamais vu Dieu mais le Christ lui l’a fait connaître (Jn 1,18).
Le silence ou notre chemin de divinisation
C’est une affirmation bien ancrée dans la tradition apostolique car elle prend sa source dans la deuxième lettre de l’apôtre Pierre qui nous dit que par filiation, nous sommes participants à la nature divine. Seul le silence total en nous peut nous mettre dans cet état si particulier qui nous permet d’accéder à une autre réalité. Cette participation à la nature divine est l’une des facettes de la spiritualité de l’incarnation propre au christianisme. Plus de mille ans après, les mystiques rhénans, Maître Eckhart, Jean Suso et Tauler le réanimeront en évoquant la nouvelle naissance de l’être humain en Dieu.
N’est-ce pas là que le paradis ou le jardin des origines nous attend aux carrefours de nos vies ?
Gérard-Emmanuel Fomerand
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