Kelly Lemarchand a 29 ans.
Elle a grandi dans le département de la Creuse, au plein cœur d’une nature généreuse et entourée d’animaux et de livres.
Après l’obtention d’un master 2 en psychologie clinique à l’université de Poitiers, elle est revenue sur ses terres d’origine pour travailler auprès de personnes en souffrance psychique, d’abord en milieu hospitalier puis dans un cadre libéral.
Depuis 4 ans, elle a intégré l’académie autonome d’aïkido Kobayashi Hirokazu (3aKH) fondée par maître André Cognard, 8e dan DNBK. Pratiquante dans le dojo d’Aubusson, ouvert en 2013 par Franck Palazzolo, 7e dan DNBK, elle est passionnée par cet art martial où elle est au grade de deuxième kyu. Elle envisage de devenir enseignante dans cette voie, véritable chemin de vie.
Notre échange qui parle d’engagement, de persévérance et d’ouverture aux autres laisse le goût d’une belle espérance à tous ceux qui s’ouvriront à cette voie où beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes ont déjà trouvé satisfaction.
Vous pratiquez dans l’académie autonome d’aïkido fondée par maître André Cognard, racontez-nous votre parcours…
J’ai débuté en pleine période Covid entre les deux confinements. Je me demandais si mon métier était le bon choix pour moi, et aussi si je devais quitter ou non un environnement personnel qui me posait aussi question. Le fait de devoir “télétravailler” avait enlevé un pan essentiel à mon travail mais aussi à mon quotidien où il était compliqué de pouvoir se regarder, se toucher, sans être dans la crainte. Un ami de longue date qui connaissait mon attrait pour la culture japonaise m’a proposé de venir au dojo pour essayer la pratique. Sa proposition de venir découvrir l’aïkido s’est inscrite à ce moment précis, en véhiculant cette idée de trouver un nouvel espace, une autre voie, un nouveau point de vue pour s’extirper d’une situation de conflit ou une impasse et pour continuer à avancer. Et aussi de se confronter
directement à soi-même, pour quitter des craintes fondamentales et se tourner entièrement vers l’autre. Ce fut un coup de foudre, je n’en suis jamais repartie.
Cet engagement vous plaît ?
Au début, je ne comprenais rien à la pratique,
moi qui ai du mal à « lâcher la tête » avec mon métier de psychologue et ma personnalité. Car le but dans cette pratique est de lâcher le mental et la réflexion sinon ça arrête le processus, le mouvement s’arrête et tout se fige. J’ai trouvé une pratique pour mobiliser mon être dans son unité. Ce qui peut paraître déstabilisant au début.
Il y a un dépassement à conquérir,
celui qui ne fait pas abandonner devant la difficulté mais recommencer sans viser à tout prix la perfection car elle n’existe jamais. Nous cherchons à nous rapprocher le plus possible de ce que les enseignants nous montrent. Cette recherche nous rend toujours débutant. Comprendre une technique sous un autre angle la fois d’après nous offre un champ libre.
Et le fait de travailler en groupe
rend la pratique encore plus riche car l’harmonie et la reliance ne sont pas les mêmes avec tous. Lorsque ça bloque avec quelqu’un, il est enrichissant de voir précisément le blocage. Nous n’arrêtons pas d’apprendre.
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Comment qualifieriez-vous cette pratique ?
Pour moi, c’est plus un chemin de vie qu’une voie spirituelle.
Même si la pratique nous redéfinit en tant qu’être humain, qu’elle vient nous chercher dans des endroits inconnus de nous-mêmes, donnant à cet art martial une dimension plus grande qu’une pratique sportive. Cela nous développe et nous ouvre à d’autres questionnements et perceptions. Il y a une certaine influence des religions shintoïste et bouddhiste. Je ne peux parler que depuis mon expérience et ressenti. En pratiquant seule certaines techniques avec les « armes » par exemple, nous remontons des angoisses très archaïques. Tenir un bokken (sabre en bois) peut certains jours faire remonter des émotions qui débloquent un bien-être pour la suite de la pratique ou au contraire celles cachées qui surgissent et peuvent déstabiliser.
Le but à ce moment-là est d’accueillir l’émotion,
porté par le regard bienveillant et non jugeant du groupe. On continue de pratiquer avec l’émotion qui peu à peu s’intègre dans le moment présent et elle trouve un autre chemin pour s’exprimer.
Comment cela a-t-il transformé votre quotidien ?
L’aïkido fait écho à ma passion ancienne
et mon attirance assez mystérieuse et viscérale pour la culture nippone.
Aujourd’hui, un dialogue constant semble s’être établi entre ma vie d’aïkidoka, ma pratique professionnelle et ma vie personnelle, ces trois points interagissant sans cesse, se confrontant ou se percutant parfois, mais se nourrissant toujours au gré des rencontres sur les tatamis et en dehors.
Dans mon travail,
au départ, j’aidais les gens en voulant faire le travail à leur place. Maintenant, je suis plus accompagnante. Comme dans les techniques d’aïkido où il y a une proposition, on cherche ensemble la solution à ce qui était problématique, au
conflit ou à une attaque. Nous sommes cocréateurs du chemin fait ensemble. Il n’y a rien à imposer dans la relation. Nous n’avons un pouvoir d’agir que sur nous-mêmes.
En aïkido, personne ne gagne et personne n’est vaincu.
Et les attaques ne se répondent pas par des contre-attaques. Il y a une continuité entre les projections et les chutes qui libèrent et procurent de la joie. Dans la pratique, nous gardons toujours le contact avec le partenaire en essayant de projeter vers le haut pour amener une énergie d’élévation qui permettra de chuter sans se faire mal. C’est une énergie de vie qui se transmet sans se bloquer. En se tendant, en essayant passer en force, cela fait mal, et la relation s’arrête.
D’où la nécessité d’apprendre à lâcher le mental et la réflexion.